Quand le She'ôl veut votre âme...

La lumière déclinait au-dehors, aussi je dû me résoudre à allumer quelques chandelles. Les caractères n'étaient déjà pas très lisibles, alors avec une luminosité aussi faible...

Voilà maintenant deux bonnes heures que je parcourais un gros volume en cuir et la nuit tombait sur Satowa.
J'allais passer une nouvelle nuit blanche dans la bibliothèque. Tout ça à cause de ce livre récalcitrant à me dévoiler ce que je cherchais.
Mes mains parcourent machinalement les pages jaunies par le temps, le parchemin en était rêche, l'encre avait été effacée par endroits et recouverte par d'autres substances de natures indéterminées à d'autres. Et pour arranger le tout, il était écrit dans une ancienne langue dont ma maigre maîtrise ne me permettait pas de me passer de l'antique dictionnaire.

J'avais sortis ce volume poussiéreux de la réserve d'une bibliothèque située à quelques jours de Satowa après de vaines recherches dans la bibliothèque du clan.

Mon doigt s'arrête sur une ligne, sur un mot :
"Ma Cra'ôm"

J'avais trouvé ! Après toutes ces recherches, toutes ces nuits perdues à feuilleter de lourds ouvrages, je touchais au but.
"Le She'ôl"... ce nom me hantait depuis le tragique épisode de la possession de Mirage. J'avais entreprit des recherches poussées afin de découvrir ce qu'était le She'ôl...Mieux vaut connaître son ennemi. Et nul doute quand à ses intentions à mon égard. Il voulait mon âme, il souhaiter me faire payer la perte de son enveloppe charnelle...

Je me concentre à nouveau sur les symboles qui s'étalent sur quelques lignes :
"Em c'yked ti dansa répnai ta m'Yhleah Dacdysahd técekhyhd ma cézuin tac sundc, mac ahvanc. Em nabnécahda ih meai cuspna ad cemahleaiq uù mac sundc cuhd ahtunsec, luilréc tyhc my buicceèna."

Sans même m'en rendre compte, je sais le dictionnaire et griffonne la traduction sur un bout de papier.

"Il s'agit du terme hébreu de l'Ancien Testament désignant le séjour des morts, les enfers. Il représente un lieu sombre et silencieux où les morts sont endormis, couchés dans la poussière."

Ainsi donc c'était cela le She'ôl. Ni plus ni moins que l'enfer.
Un frisson remonta le long de mon échine. Ce simple mot fait naître en moi une froide peur.
L'enfer avait toujours été synonyme des plus terribles supplices, de tortures infligées en guise de châtiments, de manigance maléfiques...
Dire que cette "chose" voulait m'envoyer là-bas. Il fallait que je me prépare.

Je feuillette frénétiquement les pages, survolant les lignes de symboles à la recherche d'une possible solution.
Mon regard s'arrête à nouveau sur le mot Cra'ôm, écrit au bas d'une image, comme une légende.
Je nettoie délicatement la page avec un chiffon de peau jusqu'à y faire apparaître l'esquisse d'une bague ainsi que le reste de la légende, désormais clairement lisible :

"Ladda pykia mepanany ma buijuen xie o acd nahvansé buin juic bansaddna ta vien ma Cra'ôm.
Lussa laiq xie c'élrybba iha vuec ti Cra'ôm ha baijahd o naduinhan, zysyec, ladda pykia juic bnécanjany tac vaiq ta m'ahvan buin m'édanhedé.
M'idemecydeuh h'acd labahtyhd byc cyhc necxia, ma tévanmasahd pnûmyhd ta buijuen à m'édyd pnid buinnyed peah juic êdna vydym."

C'est ce qu'il me fallait, je prendrais le risque. Néanmoins, il me faudra remettre la réalisation au lendemain, je ne me sentais pas capable de grande magie à cette heure si tardive, dans cet état de fatigue.
Je me lève, accompagnée d'un long bâillement, j'éteins les bougies nettement rapetissées d'un souffle et ferme la porte sur les rayons de livres désormais plongés dans l'obscurité et ma mets enfin en route vers ma demeure sous la lueur de la Lune afin de prendre quelques heures de repos bien méritées.

La lumière capricieuse que laissait filtrer les volets me réveilla à l'aube. Le lourd volume était ouvert sur mon lit. Je l'avais parcouru avant de m'endormir, cherchant des informations supplémentaires que je n'avais finalement pas trouvées.
Pas étonnant que ce livre n'ait pas figuré sur la liste de ceux de Satowa ! Les 3/4 en étaient consacrés à la magie noire, plus que noire même. Les sorts aux résultats plus immondes les uns que les autres n'avaient cessés de hanter mon sommeil dans lequel je me voyais à la place des pauvres humains figurant sur les schémas.
Bien que ce que je m'apprêtais à faire me paraisse encore plus dangereux après ces lectures, ma décision était prise.

Aussi, sans même avoir ingurgité quelque chose, je me mis en route. Il faudrait que j'envisage sérieusement d'installer un petit coin habitable dans la bibliothèque puisque j'y passais non seulement mes journées mais aussi mes nuits en ce moment. Je marchais sans en avoir réellement conscience dans mes pas de la nuit dernière, tant j'étais habituée à faire se chemin. L'odeur de renfermé, de vieux papier ne m'étonnait plus tandis que je traversais les rayons afin de m'installer à ma table habituelle.
J'y déposais lourdement le livre, ainsi que quelques ingrédients qui me seraient nécessaires. Le doute refit surface. Etait-ce bien raisonnable ? Les risques liés à l'utilisation de cet objet ne m'inquiétaient guère, puisque je n'en ferais usage qu'en cas d'extrême besoin. Mais la fabrication elle-même comportait certains dangers, bien que le livre n’en fasse pas grand détail. D’après ce que j’avais compris, l’objet pouvait refuser son porteur ce qui entraînait de fâcheuses conséquences pour ce dernier. Il ne manquait plus que ça, que je lui facilite la tâche en me tuant...

Je me ressaisis, lâchant enfin la mèche de cheveux que je'entortillais nerveusement entre mes doigts, et je me mis à la tâche.
Je jetais pêle-mêle un petit miroir, un blason de Satowa que j'avais découpé sur l'une de mes robes de cérémonie, y ajoutais un liquide d'une étrange couleur -résultat d'une précédente préparation- ainsi qu'un peu de mon propre sang (pas agréable l'automutilation de la main je vous le garantis). Pour finir diverses herbes et même divers morceaux d'animaux...
J'observais anxieusement le minuscule chaudron en étain, m'attendant à une réaction explosive, ou du moins très impressionnante mais la mixture se contenta de grésiller, de générer une fumée âcre qui m'obligea à m'éloigner de quelques pas et puis plus rien.

Etait-ce fini ? Je m'avançais à nouveau et très prudemment je me penchais sur le chaudron. Une bague sertie d'une pierre qui semblait être de l'ambre y reposait.

Alors c'était tout ?

Rassurée mais un peu déçue, je pris la bague et la passais à mon doigt. La réaction fut immédiate. Elle se mit à luire d'un éclat aveuglant, comme si une flamme brûlait à l'intérieur de la pierre. La lueur attint une telle intensité que je fermai les yeux, le bras d'où elle émanait tendu devant moi.
Au bout de quelques instants, la lueur se fit moins violente, s'apparentant plus à une légère incandescence qu'à un feu et je pu rouvrir les yeux.

Je n'étais pas persuadée de la réussite de l'opération, il ne me restait plus qu'à espérer que je n'avais pas commis d'erreur... Mais ça, seul l'avenir me le dirait et si il se révélait que je m'étais trompée, cela risquait fort de m'être fatal.

Je n'attendais plus que lui. Bien des lunes avaient passé depuis notre rencontre par l'intermédiaire de Mirage, et beaucoup d'autres s'étaient écoulées depuis la création de la bague que je ne quittais plus.

Faucon m'avait ironiquement demandé si il s'agissait encore d'une bague de fiançaille et je du la démentir avant qu'une fausse rumeur ne se propage.
Et puis, c'était un peu stupide je l'avoue, mais je ne tenais pas à ce que cette affaire s'ébruite et parvienne jusqu'aux oreilles de sorciers comme Diane ou Syl, suceptibles de connaître la fonction de cette bague.

De jour comme de nuit elle ne quittait pas mon doigt, tout comme le poignard sous mon oreiller, elle attendait sagement une occasion de servir.
Etre constament sur le qui-vive, en alerte perpétuelle, me fatiguait et j'en vins presque à espérer que le She'ôl vienne me chercher pour mettre fin à cette longue et pénible attente.

Mais si toute cette entreprise tournait mal ? Si... si je ne revenais pas de tout cela ? Il fallait que mes compagnons sachent ce qui m'était arrivé, qu'ils puissent comprendre et ne pas chercher vainement une explication rationelle qui n'était pas.
J'avais songé à laisser une lettre à leur intention mais je n'avais pas pu, pas su trouver les mots.
Les boules de papier froissé s'amoncelaient sur ma table lorsqu'Alqua fit son apparition dans la bibliothèque, émergeant comme par magie d'entre deux rayons, un gros volume relié de cuir rouge sous le bras.

J'eus un petit sourire pitoyable qui sembla l'amuser puisqu'elle me lança d'un ton enjoué :
"Alors en manque d'inspiration ?"
En guise de réponse, je désignais d'un geste las mes essais. Son sourire s'agrandit et elle vint s'asseoir à mes côtés.
"Est-ce que je peux t'aider ?"

J'allais lui répondre que jallais me débrouiller lorsque le déclic eut lieu.
La guerrière était la personne la mieux placée pour me comprendre.
Aucun risque qu'elle tente de me convaincre de couper court à mes projets, n'avait-elle pas elle-même suivi ses idées jusqu'au bout, quand bien même cela l'avait entrainé loin de Satowa ?
De plus sa situation était quelque peu semblable à la mienne, qui sait, elle pourrait peut-être me conseiller.
Et pourquoi ne pas la charger d'annoncer aux autres ce que je n'avais su coucher sur le papier ?

C'était décidé, je me confierais à elle.

"En fait oui, tu pourrais me rendre un service..."

Rentrée furtivement sur la pointe des pieds après quelques lunes d'absence, Alquäloth ne s'attendait pas à voir quelqu'un dans la bibliothèque à une heure si tardive, encore moins Caroline, entourée de boules de papier froissées qui ressemblaient à des brouillons de quelque chose...

Sa gorge se noua. Une personne qui reste tard dans la nuit à écrire quelque chose qui ressemble à une lettre ne présage rien de bon, elle était bien placée pour le savoir...
Elle, elle voulait juste récupérer son livre, ( hrp : voir le rp " le gros livre rouge" ) pour l'emporter à la ville Ithryn. Là-bas, elle l'aurait glissé entre deux volumes sur tout et n'importe quoi, dans l'imposante bibliothèque de premier étage.
Elle se glissa entre deux rangées de livres, cherchant celle où elle avait rangé son volume sans se faire voir de Caro. Le livre était là, elle l'attrappa et fila le long de la rangée, sa biographie serrée entre ses bras.
Enfin bref, tout se passa vite, elle se prit les pieds dans un chandelier allumé, s'il vous plaît, s'étala de son son long par terre, le livre lui échappa des mains et alla rouler un peu plus loin, restant stupidement ouvert, la couverture vers le haut, mais la bougie roula aussi de son socle, dans une direction différente que celle du livre, et alla se loger sous une étagère, tandis que le chandelier allait s'écraser sur Alquäloth qui fit un roulé-boulé dans l'allée lugubre pour lui échapper...

Donc, le tout donna quelque chose de ce genre.

1) Un bruit de métal, suivi d'un "Ouap ! " de surprise.
2) Un " Dddhhaa " suivi d'un bruit sourd de chute sur le sol.
3) Un bruit de feuillet qu'on froisse.
4) Un "chklang" de métal qui s'abat sur le sol, suivi d'un frottement d'un corps sur la pierre.

En gros, un boucan a réveiller les morts. Sauf que ça pourrait encore passer s'il n'y avait pas eut le 5) "Wouuuf" de bois qui s'embrase.
La bougie du chandelier avait donc roulé sous une armoire et était en train de l'enflammer par le dessous. Alquäloth cherchait de l'eau, n'importe quoi pour éteindre le départ d'incendie. Elle fit bien vite un sort au vase remplie de fleurs fraîches...Oh, la bonne odeur de saucisses frites...

Elle ramassa son livre, consciente que Caro avait du l'entendre, elle tourna au mauvais endroit et se retrouva nez à nez avec la prêtresse qui la regardait. Elle lui sortit un "Alors en manque d'inspiration ?" pour éviter le sujet du départ d'incendie et du grabuge, puis lui proposa son aide. Caroline eut l'air de refuser, mais en suite elle accepta.
La guerrière confirma vite la pseudo-question de Caro...

- Ah oui, tout ce que tu veux, tu n'as même pas besoin de me demander...

Elle sourit, mais voyant le visage de l'elfe, sourcils un peu froncés, regard hanté, visage inquiet, elle commença à se dire qu'il se passait quelque chose d'assez grave...

Le moment était venu pour moi de tout avouer à quelqu'un. Etrangement j'éprouvais un vif soulagement à l'idée d'expliquer mon projet à Alqua. Je prenais une inspiration, allais déballer toute l'histoire mais je fus interrompue par un bruit.

Ce fut d'abord comme si la vitre avait tremblé légèrement, comme si le vent "joueur" avait essayé de l'ouvrir. Pourtant il faisait doux dehors.
Ensuite on ne pu s'y tromper, l'oiseau se tenait là devant la fenêtre, les ailes battantes à faire du sur-place, ses griffes acérées martelant le verre.
Il me suffit d'ouvrir pour voir l'étrange volatile pénétrer la pièce, faire le tour du plafond pour venir se poser gracieusement sur un alambique. Il n'était pas très beau en apparence, mais son plumage turquoise était magnifique, son bec légèrement courbé était un peu long, et ses yeux jaunes allaient et venaient dans tous les sens. Un cri assez aigu emplit la pièce, et presque comme une invitation, il présenta la patte où le papier avait été solidement enfoui dans une petite sacoche de cuir. La lettre était pliée en un tout petit paquet, rendant le parchemin plus usé qu'il ne l'était.
Je le dépliais précautionneusement, de peur qu’il ne s’effrite tant il paraissait fragile. Enfin je pu lire les lignes dont je reconnus immédiatement l’auteur à son écriture.

Des sentiments, des questions, des réponses en pagaille se bataillaient dans mon esprit fatigué. Je sentais pointer une migraine aussi je fermai les yeux pour me calmer et réfléchir posément. Alqualöth devait commencer à douter de ma santé mentale à me voir dans cet état. Cela me ressemblait si peu !

Allez, au boulot ! Je devais ordonner tout ça. Mirage allait bien apparemment, cela me rassurait grandement, cette bonne nouvelle était la bienvenue après ces derniers jours plus qu’éprouvants. J’étais heureuse qu’elle m’ait écrit et je me fis la promesse de lui répondre au plus tôt, espérant que cet oiseau la retrouverait aussi facilement qu’il l’avait fait pour moi.

Mais quelque chose me gênait dans sa lettre... Elle disait que cette « chose » était toujours en elle, tapie au plus profond de son âme. Cela voudrait-il dire que je n’avais plus rien à craindre du She’ôl, que les dernières paroles de l’entité n’étaient qu’une menace en l’air destinée à me gâcher quelques jours de ma longue vie ? (Si c’était son but alors il avait parfaitement réussi.)
Non, ce monstre avait l’air sérieux et cela m’étonnerait grandement qu’il ne cherche pas à se venger après son humiliation.

Je ne voyais que 3 possibilités :
- Soit l’entité comptait revenir à moi toujours dans le corps de Mirage.
- Soit il était une sorte de chef et m’enverrait un de ses subordonnés.
- Soit il était lui-même le sous-fifre de quelqu’un... quelque chose, et j’aurais à faire au commanditaire.

Super comme choix ! Les 3 étaient aussi terrifiants, l’entité avait bien failli m’occire alors si il agissait sur les ordres d’un plus puissant, je ne voyais pas comment je pourrais m’en sortir. Quoiqu’il en soit, mon seul et maigre espoir résidait dans le bijou qui brillait à mon doigt.

Reprenant subitement conscience qu’Alqualöth était toujours à mes côtés, attendant des explications, j’écartais mes mains et replongeais mon regard incertain dans le sien avant de tout lui raconter...

« Voilà, tu connais désormais l’histoire qui me hante et mon projet. Ce que j’attends de toi n’est pas facile... En effet, si tu es toujours d’accord pour me venir en aide, je souhaiterais que tu dises aux membres de Satowa ce que j’ai fais et pourquoi. Je veux qu’ils puissent comprendre si jamais je venais à disparaître... (J'hésite un instant avant de poursuivre)
Envois également une missive à ma famille. Eux aussi doivent savoir, bien que je doute que ma mort les attriste plus que ça. A part mon frère, je te laisserais une lettre à son intention. »

Je m’étais intimé l’ordre de ne pas laisser les sentiments violents que j’éprouvais transparaître dans ma voix mais la peur, le regret, l’amour comme la rancune étaient bien audibles, à mon grand désarrois.

Ah, ma pauvre Caroline, tu vas donc te lancer à la poursuite d'un démon aux appétits insatiables, tu ignores quand, à quelle heure, où, et tu n'a qu'un petit poignard suspendu à ta ceinture pour te défendre contre l'immatériel, contre tu ne sais pas encore quoi ! Et pourtant si résolue tu m'apparais, comme toujours et je voudrai t'aider, ce ne serait que te rendre, en bien ou en mal, je l'ignores, la monnaie de ta pièce, toi qui m'a tant aidé aussi. Caroline...Je ne suis pas experte en lettres d'adieu, je n'aimes pas en écrire, j'ai toujours l'impression de voir déjà des larmes s'écraser dessus, ou bien ce morceau de parchemin froissé et jeté au feu dans un accès de colère ou d'incompréhension de la part du lecteur.

Mais puisque c'est toi, je le ferait. Evidemment, je ne te dirai pas tout ça car je ne suis pas adepte des grands discours, mais je te dirai au moins une chose, tout bas en posant la main sur ton épaule, un peu tremblante, la main...

- Fais attention à toi...

Désolée, je ne peux pas dire plus. Ma gorge est trop nouée. Je ne sais pas si tu t'en rends compte, mais tu es en train de m'annoncer ta mort, Caro. Et je ne sais pas si je pourrai l'accepter. Et j'ai l'impression d'endurer une infime partie de ce que ton a ressenti à mon départ. Le mien, ma lâcheté.

Oh, non, je suis si désolée...J'ai voulu combattre, et j'ai perdu. Ca paraît simple, comme ça...Mais ça ne l'est pas, c'est pire que ce que tu peux t'imginer. Avant de te jeter dans la gueule du démon, fais attention, par pitié.

- Je me débrouillerai pour faire parvenir ta lettre et la mienne à ta famille.

C'est pas ce que je voulai dire...Ces phrases servent juste à boucher les trous...Et ton anneau...Cette bague couleur ambre qui ceint ton doigt...J'ai peur d'elle, Caro, j'ai envie de te l'arracher...Vois comme je tremble, je n'arrive pas à en détacher mon regard. J'ai peur...peur pour toi. Et je crois que jamais je n'avais ressenti ça. D'une certaine manière, tu m'aides à me purifier...Mais s'il faut endurer ceci pour être pardonner de tous pêchés, je préfère encore rester répugnante...Et oui, c'est ce courage de coeur qui me fait tant défaut...
Merde, fais attention, attention, je crois que je pourrai te le répéter sans fin.

- Fais attention...

Ma voix a viré dans les aigus, elle est devenue ténue, minuscule, comme un filet mourant d'eau rampant désespéremment dans une terre sèche et aride. Je souris, parce qu'il faut que je souries. Mais c'est tout.
J'empile deux ou trois marchemins, prends une plume, adresse un signe de tête à Caro et tourne les talons. Je marche de plus en plus vite...J'irai écrire ces lettres plus loin, hors de la bibliothèque, peut-être dans mon arbre, mon ancienne demeure de Satowa, peut-être plus loin, j'ignore où...Je ne veux pas voir ses yeux, pas les regarder comme en me disant " C'est peut-être la dernière fois..." J'accélère l'allure. Je sors du vieux bâtiment et l'air frais de la nuit me fait frissonner, mais sûrement pas autant que les larmes qui me secouent.

De nouveau seule.
Alqualöth est partie, je la comprends sans doute plus qu'elle-même en cet instant... C'est rassurant et effrayant à la fois. J'ai compris ce que ses silences signifiaient et j'aurais voulu la retenir. Je voudrais me gifler pour avoir fait couler des larmes qu'elle tentait de cacher.
Mais non, je m'assied simplement et comme quelques instants auparavant, je prends un parchemin et une plume, les yeux vaguement fixés sur l'oiseau perché non loin.

La plume se met à glisser sur le papier, sans vraiment que je m'en rende compte j'écris, me confie un peu à Mirage mais pas trop, elle avait bien assez de soucis comme ça. Une fois la lettre terminée, je l'attache sans même la relire à la patte de l'oiseau qui viens docilement se poser sur mon bras. Je le porte jusqu'à la fenêtre, ferme les yeux et me concentre sur l'image que j'ai de Mirage, une jeune prêtresse félys un peu perdue...
Une aile me frôle la joue, le messager s'est envolé.

Je reste accoudée à la fenêtre jusqu'à ce qu'il devienne un point minuscule à l'horizon et disparaisse tout à fait. Alors je me retourne et marche vers la porte. Je ne supporte plus d'être enfermé, surtout dans cet endroit qui renferme tant de secrets et de tristesse pour moi. Si seulement je pouvais m'envoler comme l'oiseau l'a fait. Laisser les problèmes loin derrière, les semer à tire-d'aile.
Malheureusement cela m'est impossible. Je me contente de mes jambes et me met à courir comme Alqua, courir en espérant jaillir dans la lumière du dehors.
Mais je n'atteindrais pas la sortie...

Alors que quelques enjambées seulement me séparaient de l'issue du bâtiment, le temps semble se suspendre. Dans une lenteur infinie, je me sens partir. Je sens mon âme quitter mon corps que j'observe désormais légèrement en retrait. Je le vois se courber et s'effondrer sur le sol, la main à laquelle scintillait le bijou tendu vers la porte.

Serais-je morte ? Mon regard se prote vers le plafond, je m'attendais à m'élever mais c'est par le sol que je fus aspirée.
C'est par le sol que je rejoindrais cet ailleur qu'on m'a promis.

Elle est arrivée, enfin.

Depuis trop longtemps, elle narguait le She'Ôl, sa bague d'ambre à son doigt, son esprit trop peu téméraire pour espèrer y entrer pour plus vite en ressortir, et elle attendait son heure...Et l'heure était venue, enfin.
Dans un accès d'émotions trop intenses, la bague l'a entraînée dans les profondeurs souterraines, cet endroit que les gens du commun se plaisent à appeler "enfer", maudits soit-ils...L'enfer ressemble tellement peu à cela, il est tellement plus doux, un hâvre de paix, un paradis, un nirvana comparé au She'Ôl...

Caroline flotte à quelques centimètres du sol. Détail étrange, son ombre ne la suit pas. En fait, elle n'a plus d'ombre. Elle glisse, comme montée sur roulettes, sur un chemin dallé...La brume se referme derrière elle, sur ses pas. Au-dessus d'elle, quelque chose qui ressemble au ciel, mais a-t-on déjà vu un ciel aussi blanc, aussi brumeux et ténébreux à la fois ? Sous ses pieds, un sol qui n'en est pas un. Et devant elle, sur sa route, son chemin inextricable...
Un portail noir, à lourd vantail, est entr'ouvert, et derrière, un château, immense, majestueux, ténébreux...
Et, glissée entre les grilles, Elle...

Le temps n'est pas venue pour elle de se montrer...Elle se retourne vers Caroline, un sourire fugace, fugitif appraît sur ses lèvres, elle lui tend les mains, puis, s'envole...Elle lui a montré le chemin, les portes sont ouvertes toutes grandes !

Quand le She'ôl veut votre âme... 000xw2

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