Moment de vérité

Les clés si étrangements offertes reposaient alors dans sa sacoche. Une offre qui semblait tomber à pic pour son compagnon, qui n'aurait certainement pas supporté une marche trop longue ou éprouvante. Et à dire vrai, elle ne savait pas non plus dans quel état elle aurait terminé la route. Lorsque le centaure s'était penché à son oreille, Faucon avait senti son coeur s'emballer sans qu'elle ne sache pourquoi. La façon dont l'orc les avaient abordé n'avait fait qu'accentuer son trouble. Qu'avait-il bien pu s'imaginer?

L'elfe prit un long moment pour chercher des réponses. Lorsque le chemin se modifia, elle laissa ses pensées de côté. Plus tard, elle y songerait plus posément. Plus tard; lorsqu'ils seraient arrivés.

" Je crois que c'est par ici. Elle les dirigea le long de la forêt. Ce n'était pas le moment de se perdre. Tout en cherchant à apercevoir la maison de kradocs, elle revint sur les dernières paroles de Syl Ewan, qui semblait avoir jusqu'à lors respecté son silence. A moins qu'il n'ait plus vraiment assez de force pour parler...

"Je suis sûre que c'est par ici. Nous y seront bientôt alors essaie de tenir encore un peu debout. Ce serait une sacrée honte de mourir écrasée par un centaure éclopé qui ne tient plus debout. Enfin, tu auras tenu ta bouteille, c'est déjà pas si mal. Tu sais, je n'allais pas te la voler... Et si tu tiens à te saouler et ajouter un puissant mal de crâne à tes autres douleurs au réveil, c'est ton choix. Tu fais ce que tu veux, tu es grand. Inconscient, mais grand. Elle sourit. Tenter de le faire culpabiliser pour qu'il reste raisonnable, lui rappela qu'il fut un temps ou elle excellait dans cette discipline. Son sourire s'élargit en apercevant le signe tant désiré

"C'est parfait, nous arrivons. Tu sais que la perspective d'être à ma merci devrait t'inquiéter? Si jamais je te trouve trop insupportable, d'autant plus si c'est l'alcool qui te fais parler, je te le ferais regretter pour que tu te rappelles comme tu auras été nul. Un truc horrible, pire que les berceuses elfiques. De toute façon tu ferais un trop mauvais public alors je ne m'y lancerais pas. Je pense plutôt a quelque chose de bien plus sadique, genre te teindre les cheveux en vert."

Elle parvint avec soulagement devant la porte. La mine du centaure l'inquiétait au plus au point, et elle avait préféré déblatérer tout un tas de choses plus ou moins stupides plutôt que de le laisser s'engluer dans la douleur qu'il devait ressentir. Faucon récupéra les clés et ouvrit avec précautions. Ils pénétrèrent tant bien que mal à l'intérieur de la maison, sans vraiment prêter attention à la décoration. Elle aida son ami à s'asseoir du mieux qu'elle put, puis entreprit d'ouvrir les fenêtres pour laisser entrer l'air et la lumière. Revenant vers le centaure, elle l'interrogea, son sourire figé ne cachant pas le soucis qu'elle se faisait.

"je me suis demandée un bon moment à quoi pouvait bien ressembler l'intérieur.... Oh Syl, comment te sens-tu?'"

Comme s'il avait l'intention de boire cette bouteille tout seul?... Les beuveries solitaires, il ne les connaissait que trop bien depuis son arrivée à Satowa. La seule qui avait failli lui donner tort, c'était Bavmorda... C'était peut-être pour cela, et parce qu'elle l'attirait physiquement, que le démon avait pu profiter de la faille qu'il avait laissé béante dans son esprit pour s'y engouffrer et tenter de lui faire commettre les pires horreurs.

Il avait juste gardé la bouteille fermement en main parce qu’il était bien trop concentré sur le chemin qu’il avait à parcourir et sur les dernières forces qui l’abandonnaient à chaque pas. C’était comme s’il avait conscience que sa peau devenait livide… Alors, il s’accrochait tant qu’il pouvait aux paroles un peu décousues de l’elfe et à n’en point douter, elle avait une nouvelle fois fait ce qu’il fallait.

Enfin… Ils arrivaient…

Il se laissa asseoir sur de larges coussins déposés à même le sol et regarda Faucon s’éloigner pour ouvrir les fenêtres ; sa tête lui tournait.

Au retour de l’elfe à la chevelure de flammes, il se força à ouvrir les yeux et à tenter de parler distinctement sans le moindre succès.

Je… J’ai sommeil, Faucon… Pardonne-moi…

SYL EWAN se sentait rassuré, elle était là. Il pouvait enfin s'abandonner au sommeil... Le jeune centaure exténué s’effondra. La bouteille de liqueur de flamme roula sur le sol…

Faucon vit le centaure s'écrouler. Elle plaça sa main devant le visage de Syl Ewan afin de vérifier sa respiration. Elle ne se sentie rassurée que lorsqu'elle fut certaine que c'était seulement la fatigue qui l'avait emporté. Elle se releva en souriant, pensant qu'elle venait d'avoir une excellente illustration de l'expression 'tomber de sommeil'. Elle fouilla la chambre, dénicha une couverture en bon état et tenta d'en recouvrir la plus grande partie possible du centaure. C'était peut-être une idée stupide, inutile, après tout pour un être recouvert de poils, mais c'est tout ce qu'elle pouvait faire. L'elfe ramassa la bouteille qui avait glissé au sol, la faisant rouler entre ses paumes quelques instants. L'idée la traversa de l'ouvrir dès maintenant pour passer le temps, étant au départ sortie dans le seul but de boire jusqu'à se sentir malade, mais elle la repoussa. Ce n'était pas sa bouteille... Et encore moins le moment de se rendre malade!

Elle posa la liqueur, succombant sans hésiter au travers qui lui apportait toujours le plus grand nombre d'ennuis; la curiosité. C'était la curiosité qui lui avait fait croiser la route du centaure, et ça lui avait valu quelques problèmes. Malgré tout, elle ne pensait pas que ce soit forcément un mal de bousculer un peu son si morne quotidien. L'inspection des divers placards ne l'occupa pas assez longtemps à son goût, et elle se retrouva vite les bras balants, mais un possession de deux verres pour la liqueur. Elle sortie par la porte toujours ouverte et récupéra rapidement quelques branches avec lesquelles elle pourrait à l'occasion passer le temps . Le centaure dormait toujours relativement paisiblement, lorsqu'elle ferma la porte.

L'elfe laissa sa récolte sous la fenêtre et s'assit sur le rebord, une jambe pendante, entourant des bras son genou pour ne pas basculer. Elle fini par détacher ses cheveux dont les boucles en avaient profiter pour s'emmêler. Elle observa longtemps la vie de la forêt, apaisée par les sons qui lui parvenait, puis son regard revint sur Syl Ewan. Elle songea en souriant tristement à quel point tout était calme lorsqu'il dormait. Et qu'il valait mieux qu'elle se fasse à l'idée qu'une fois ses forces récupérées, Syl allait sûrement redevenir aussi lunatique et étrange qu'au départ. Et pourtant... elle aurait vraiment apprécié le voir tenir la promesse qu'il lui avait faîte, peut être à cause d'un excès de fièvre, devant la maison de Bavmorda. Penser à la centaure et à l'obsession que le centaure endormi lui vouait, tira à Faucon une moue dubitative. Elle reprit sa garde sur la fenêtre, la diminution de la lumière ne la génant guère, attendant qu'un mouvement à l'intérieur lui signale qu'elle n'était plus la seule à être éveillée. Elle n'avait pas l'intention de s'endormir, et pouvait rester ainsi tant que son corps ne se plaindrait pas de la position qu'elle lui faisait prendre.

C’était sans doute trop calme, beaucoup trop calme par rapport aux événements de ces derniers jours qui avaient saturé son sang d’adrénaline. Alors, sans doute perturbé par ce singulier contraste, SYL EWAN s’était éveillé comme s’il s’attendait à nouveau à ce qu’une tempête vienne renverser son cerveau.

Au lieu de ça… Faucon était assise sur le rebord de la fenêtre, sa silhouette découpait la clarté lunaire… Elle avait lâché ses cheveux… Ça lui allait bien… Il prit le temps de la regarder longuement, détaillant sa silhouette et les reflets de la nuit sur son visage ; il ne l’avait encore jamais vu aussi naturelle, aussi décontractée… Bon sang ! Comment pouvait-il trouver du charme à cet être si peu pourvu de formes et de carrure ?!
De temps à autre, elle se tournait dans sa direction pour s’assurer qu’il dormait toujours à poings fermés. Il n’avait pas bougé d’un cil et, à contre-jour, même la vision elfique devait pouvoir lui préserver ces instants silencieux de tendre contemplation.

Il hésita plusieurs longues minutes mais finit par se résoudre à briser la douce sérénité de l’instant.

Tu ne dors pas, Faucon ?...

Il se leva tranquillement, vérifiant par la même occasion que tout fonctionnait correctement en lui et se dirigea près d’elle. La nuit était magnifique !... Il parla d’une voix paisible.

Ma grand-mère me racontait des tas d’histoires à propos des étoiles… Je me souviens d’elle comme quelqu’un de vraiment formidable… Je ne comprends pas pourquoi elle a fait ça…

Il remarqua les deux verres et sourit à la rôdeuse…

C’est gentil de m’avoir attendu… Je te sers ?

" Un verre? Je veux bien, merci. Si tu arrives à le remplir sans tout renverser à côté. Tu as l'air d'aller mieux que tout à l'heure. Tu arrives à faire des phrases au moins. "

Faucon n'avait pas anticipé le réveil du centaure, et elle fut étonnée de le voir se lever si promptement. Elle lui avait sourit lorsqu'il s'était approché de la fenêtre, observant avec soulagement qu'il marchait sans trop de difficultés, puis avait suivit son regard. Elle descendit avec prudence de la fenêtre, engourdie par sa garde prolongée, mais apaisée par sa longue contemplation. L'allusion de Syl Ewan à sa famille l'avait interpellée, mais elle ne voulait pas le presser de questions, bien que sa curiosité l'exhortait à lui arracher toutes les réponses qu'elle voulait. L'elfe attrapa un verre et regarda vers l'extérieur.

" C'est vrai que les étoiles offrent un beau spectacle d'ici. Vous deviez être proche, toi et ta grand-mère, non? La mienne... c'était pas trop ça. Et de quoi parlaient-elles ses histoires? De jeunes centaures perdus qui retrouvaient le chemin de leur maison guidés par les étoiles? Je ne sous-entend pas que vous n'avez aucun sens de l'orientation... " Elle eut une moue d'excuse puis bu une gorgée.

"Qu'a-t'elle fait pour que tu doutes d'elle alors que tu sembles tant attaché? Tu t'es rendu compte qu'en fait les étoiles n'étaient que des égoistes ingrates qui ne pensaient qu'à briller plus que ses voisines? Tu sais Syl, parfois les façons de voir les gens et leurs actes se modifient lorsque l'on grandit. Ca ne veut pas pour autant dire que cela a moins de valeur ou de raison d'être, ni qu'il faille leur en tenir rigueur."

La tête légèrement penchée,l'interrogeant du regard, elle espérait qu'il n'allait pas encore éviter un sujet qui semblait important.

Le plus habilement du monde, il fit couler le capiteux breuvage écarlate dans leurs verres respectifs… On ne rigolait pas avec une si bonne bouteille à la main alors il attendit d’avoir fini son service et d’avoir reposé son flacon à l’abris d’une quelconque maladresse pour accepter de rire de bon cœur.

Hey ! Je n’ai pas encore picolé !... Qu’est-ce que tu racontes ?!

Et il ajouta avec un peu de gêne dans la voix.

Et tu pouvais rester là si tu t’y sentais bien… Tu semblais tellement en paix…

Il fit tinter son verre contre celui de l’elfe et profita de la transition octroyée pour modifier le ton de ses paroles. On pouvait presque percevoir l’enfant qu’il avait été lorsqu’il montra tout excité un ensemble d’étoiles.

Tu vois cette constellation ? C’est la déesse Equidia ! Et celle-ci ? C’est le chasseur qui ne parvint jamais à l’attraper… Les centaures ont toujours été proches des étoiles… Tout notre folklore y est inscrit…Je suis né sous le signe de la chimère ! Vous pratiquiez aussi une forme d’astrologie chez toi ?

Se rendant compte qu’il abordait là, sans doute, un sujet de conversation douloureux pour Faucon, il trempa ses lèvres pour se donner le courage de parler d’abord de tout ce qui lui était difficile. Il lui devait toutes ces explications. Non ! Il avait envie de partager ça avec elle ; si tant est que ce qu’il connaissait expliquait quoi que ce soit…
Il lança un peu brutalement.

J’ai découvert que ma grand-mère, la femme merveilleuse qui a guidé mon clan, m’a éduqué en l’absence de mes parents et m’a enseigné tout ce qu’elle savait de la magie, m’avait aussi manipulé pour que je devienne un instrument des forces maléfiques…

Il se laissa le temps de digérer ce qu’il venait de dire…

L’entité qui a pris possession de mon corps et de mes émotions… C’est elle qui l’a conjuré et l’a lié à moi…

Peut-être n’avais-tu rien à attendre des tiens mais au moins tu n’as pas à goûter à l’amertume de la trahison !

Il se tourna vers la rôdeuse et plongea ses yeux dans les siens.

Tout semblait si simple avant… Faire perdurer les traditions du clan Kooseren… Epouser une belle centaure comme Bavmorda… Lui faire des enfants…

Il déglutit comme s’il devait laisser sortir un morceau plus gros encore.

Aujourd’hui, je n’en sais plus rien du tout… C’est tellement opposé à ce que je ressens réellement !...

Il posa sa main sur la sienne. Elle était si douce et paraissait si fragile…

Tout ce qui m’a empêché de commettre le pire sous l’influence de cette créature, ce n’était pas la force de mes traditions, bien au contraire…
C’était toi…

Si je t’ai parfois blessée, c’est parce que je ne comprenais pas ce qui m’arrivait… Je t’ai promis de ne plus te fuir, de ne plus me fuir moi-même… Je suis là…

Faucon resta abasourdie, les paroles du centaure se répétant en écho dans son esprit. Elle ressentait la chaleur de cette main sur la sienne, et cela suffit à son coeur pour repartir dans une course effrénée, presque douloureuse... Elle sentie le rouge monter à ses joues, et sans détourner les yeux, tenta de se reprendre

" Et bien... je suis très heureuse d'avoir pu t'empêcher de faire quelque chose que tu aurais peut-être regretté par la suite. Je comprend mieux pourquoi tu m'a remerciée tout à l'heure, alors que je débarquais à peine. Mais d'un autre côté, si je te suis bien, ça veut dire que cette... entité t'a tabassé par ma faute, alors?.. Finallement c'est très bien que je sois descendue du rebord. Avec tout ça, je suis sûre que j'aurai basculé!"

Elle lui sourit. Il semblait différent, plus confiant mais néanmoins perdu. Cependant, il avait l'air de vouloir faire face. Cela la toucha et lui donna l'envie de lui faire confiance, à lui. Elle revint quelques instants à la contemplation des étoiles.

" Je sais que nous aussi avions une astrologie. Je le sais parce que c'était le devin qui présidait à l'octroi des noms, lors des naissances, qui était sensé m'apprendre à reconnaitre et différencier les étoiles. Mais j'ai toujours refusé de l'écouter. Il avait dit que je serai une fine lame.. et tu ne peux pas imaginer le nombre de fois ou j'ai réussit à me blesser avec ma propre épée! Tu es né sous le signe de la chimère, dis-tu? Moi ça doit être sous celui des bêtises"

Elle regarda à nouveau le centaure. " Je trouve horrible que ta grand-mère ait abusé de l'affection que tu lui portais pour te lier à l'autre brume horrible. Mais peut-être que ce n'était pas dans dans le but de te blesser. Elle voulait t'aider à atteindre ton but... fonder une famille... cela semble normal bien que pour les moyens... apparement j'ai un peu gâcher vos plans. Et honnêtement, je ne suis pas sûre d'en être désolé. Tu ne m'en veux pas?"

Son regard se voila de douloureux souvenirs, et elle se mit à contempler son verre. " Je n'ai pas été trahie par un être proche. Mais la seule personne qui m'était chère; mon frêre, a eut une mort horrible parce que quelqu'un en qui il avait confiance l'a vendu... Notre univers devient bien vide lorsque l'on perd ceux que l'on aime.. "

Malgré l’évidente gène qu’ils partageaient, il n’osa pas retirer sa main de celle de Faucon de peur de ne plus jamais pouvoir goûter à cette douceur ; cette douceur qu’il avait ressentie la première fois lorsqu’il avait retourné l’arcane de l’étoile… Au contraire, il glissa ses doigts entre les siens et serra un peu, marquant sa présence, non seulement par la parole mais, aussi par le geste…

Ta rencontre ne m’a apporté que de très belles choses… Il ne faut pas forcément que je rejette tout ce qu’elle m’a légué mais il faut que je m’interroge un peu sur mon éducation ; surtout si mon mentor sous couvert de clamer que le mal n’existait pas utilisait les forces de Tanedhel… Ce démon a failli faire beaucoup de mal, alors je ne t’en veux certainement pas d’avoir été ma petite voix intérieure et de m’avoir accompagnée durant cette épreuve… Tu es celle en qui j’ai envie de placer ma confiance aujourd’hui…

Il lui sourit toujours tendrement, un peu amusé.

J’ai bien l’impression que les signes de la chimère et des bêtises sont les mêmes…

Si j’en juge par le tirage en croix que j’ai fais chez Diane, il semble que l’entité que j’ai éveillée n’était pas très satisfaite du résultat… Je sais que tu es près de moi et que ta présence va m’aider à lutter contre des choses illusoires, m’aidant par là à faire un choix… Je serai alors appelé par quelque chose qui me dépasse… C’était la signification des cartes que j’ai retournées chez Diane, le jour où tu m’as emb…

Ses mots lui avaient échappé… Il la regarda avec sérieux…

Je t’ai promis de ne plus jamais te fuir… J’ai un choix à faire… Il est fait désormais et que j’ai peur ou non de l’inconnu, je vais l’assumer… Quelles que puissent être les conséquences !…

Lentement, sous la lune de SarWyen, un centaure approcha ses lèvres des lèvres d’une elfe…

Leurs lèvres s'effleurèrent puis s'unirent dans un instant que l'elfe trouva délicieux. Ses mains tremblèrent, l'une resserant encore plus celle du centaure, l'autre renversant le contenu de son verre sur le sol, rapidement suivit par le contenant. Ce ne fut pas le bruit du verre brisé qui vint troubler la scène, celui-ci ayant amorti sa chute sur les branches abandonnées là, mais un doute, une impression de malhonnêteté qui submergeait les sens de Faucon. Elle se détacha avec regret, posant deux de ses doigts sur ces lèvres qu'elle souhaitait goûter encore.

"Attend Syl, tu dois savoir une chose avant de décider... Tu as été honnête, et je tiens à l'être aussi. Ecoute moi s'il te plaît, c'est important... J'ai... grandi dans une bulle d'insouciance protégée par la crainte qu'inspirait mon frêre. Lorsqu'il est mort, ma jolie petite bulle a volé en éclat, et je me suis retrouvé là, a haïr celui qui était responsable. J'ai voulu... me venger. Mais quand je suis arrivée, il n'était pas seul et .... bref, il m'ont laissée pour morte, dans la forêt avoisinante. Je me suis accrochée à la vie, peut-être dans le seul but de pouvoir les contredire... Mais j'y ait beaucoup perdu. Je me suis réveillée vivante mais vide. Plus de joie, de peine, de peur, de colère, d'amitié, d'amour... Rien que du mépris et de l'indifférence. C'était le seul moyen de survivre parmit eux. Leur ressembler."

Elle fit une pause. Il ne devait pas bien voir où l'elfe voulait en venir, et elle avait peur d'être en train de lui donner une raison de se détacher d'elle. Mais elle lui devait cette vérité-là.

"Pendant si longtemps je n'ai presque plus rien éprouvé. Jusqu'à ce que tu déboules dans mon existence l'autre nuit. Tu m'as vexée, mise en colère, amusée et fait très peur aussi. Et ça a été si agréable de se sentir revivre! Mais cela m'a beaucoup perturbée, et je ne savais plus que penser. Alors, je t'en parle parce que j'aurais l'impression sinon d'agir égoïstement en voulant que tu restes auprès de moi, bien que je sache pertinement que je ne sais pas encore rendre à l'identique ce que l'on peut me donner. "

Elle lui sourit tendrement mais le regard anxieux comme si elle craignait qu'une épée de damoclès s'abatte sur elle à l'instant.

" Je ne suis même pas sûre d'avoir été claire..."

Faucon…
Les lèvres si douces de Faucon… Comme le contact délicat d’une petite fleur écarlate à peine éclose…
Quelques instants, il envisagea les conséquences de ce qu’ils étaient en train de partager… Et dans un cri silencieux de révolte et de ravissement, il s’abandonna au bien-être incroyable qu’il respirait par tous les pores de sa peau.
Ce baiser avait le goût exquis de l’interdit et SYL EWAN serra dans ses bras le petit corps tremblant et gracile de l’elfe.

Elle s’écarta de lui, comme prise de remords, déposant son index et son majeur sur sa bouche pour lui intimer le silence. Il l’écouta très attentivement, ne la quittant pas un instant du regard tout en embrassant tendrement ses doigts du bout des lèvres.

Son histoire ressemblait à celle de son clan ; peut-être même un peu à la sienne...

Qu’est-ce que tu vas t’imaginer ? Que je suis de ces centaures à l’honneur impeccable et au courage sans failles ?

Sa voix sonnait comme un clin d’œil emplit d’affection.

J’ai aussi des blessures profondes en moi… Je sais les océans de douleurs que tu as traversés pour arriver enfin jusqu’au rivage de mes bras…

Maintenant, peut-être allons-nous pouvoir compter l’un sur l’autre pour ne pas continuer le voyage seuls ?...

Sa voix était rassurante. Près de la rôdeuse, il se sentait capable d’abattre des montagnes d’intolérance.

Tu as été très claire… Et… Je t’aime… Il est temps de faire exploser ces limites que nos passés nous imposent…

Il l’attira à lui… Leurs lèvres s’unirent à nouveaux et leurs langues se mêlèrent dans un baiser caressant, enivrés d'une bien étonnante confiance en eux…

La paix, voilà ce que l'elfe trouvait dans les bras de son compagnon. Et un doux sentiment de sécurité, qui rendait cette nouvelle intimité plus grisante encore. Elle savoura chaque instant de leurs baisers échangés, ne souhaitant rien d'autre que cela se prolonge le plus possible. Etangement, elle frissonna alors que Syl Ewan n'en était pas la cause. Faucon eut une mimique d'excuse et lui déposa un rapide baiser sur les lèvres.

"Syl, je crois que je commence à avoir froid, à force de rester devant cette fenêtre ouverte... Je ferme, d'accord?"

Il acquiesca, et elle s'occupa de clore la fenêtre où elle était assise un peu plus tôt, laissant le centaure se charger des autres. C'est au milieu des coussins, bras croisés pour tenter de se réchauffer qu'elle attendit qu'il termine et revienne vers elle.

" Tu m'as parlé du tirage que tu as fait chez Diane; quel que soit le chemin que le destin aura choisit pour toi, il faudra qu'il s'accomode de ma présence. Je n'ai plus envie de ...voyager seule. Et avec toi, je suis au moins certaine de ne pas risquer de m'ennuyer! Nous verrons bien ce qu'il arrivera ensuite, lorsque nous y seront confrontés."

Elle lui sourit puis enchaina en essayant de paraître un minimum sérieuse:

" Pour l'instant je n'ai pas l'impression d'être fatiguée, un effet secondaire du peu de liqueur que j'ai avalé, sans doute. Mais il faudrait peut-être songer à se reposer un peu, parce que tu as beau faire, j'ai du mal à croire que tu te sois remis d'aplomb aussi rapidement. En plus l'aube sera là assez rapidement et il faut profiter du sommeil que l'on peut encore récupérer avant que de nouvelles péripéties s'enchaînent à nouveaux..."

Le centaure s’approcha d’elle, savourant chaque pas et chaque instant, elle avait repris son attitude un peu rigide dont il appréciait à présent toute l’harmonie. Paisiblement, il alluma quelques chandelles ; elles étaient de toutes les couleurs et leurs flammes donnaient à la pièce un aspect plus chaleureux. Il ramassa un plaid de laine écrue et alla la rejoindre sur les coussins. Il déposa la couverture autour des épaules de faucon et s’étendit à ses côtés.

Je n’ai pas encore sommeil non plus et j’aimerais qu’il arrive doucement près de toi.

Il la prit dans ses bras, il contribuait ainsi à lui tenir un peu plus chaud mais surtout, il savourait simplement sa présence. Il passait délicatement ses doigts dans les cheveux de la rôdeuse, jouant avec quelques mèches de soie vermillonne délicieusement rebelles. Il embrassait son front délicat et déposait furtivement de tendres baisers dans le creux de son cou. Les minutes de félicité s'allongèrent...

Demain, nous partirons chez Diane, je dois non seulement lui présenter mes excuses mais je dois aussi solliciter à nouveau son aide… J’espère qu’elle acceptera que je devienne son élève après tout le bazar que j'ai fais dans son sanctuaire…

Ne m’avais-tu pas promis une berceuse au fait ?

Il se releva sans la bousculer.

Attends!... Il y a quelque chose que je veux partager avec toi…

Il se dirigea vers sa besace et en retira un étui de cuir patiné puis retourna près de Faucon et sortit de cet étui un magnifique violon de bois sombre.

C’est le seul bien que m’ait légué mon père…

L’archer commença à se promener doucement sur l’instrument… Il ferma les yeux, ne les ouvrant de temps à autre que pour les plonger dans ceux de l’elfe...
[url] http://media.putfile.com/violon-62 [/url]
Dehors, le vent s'était mis à souffler

Elle trouva la musique belle, vibrante, à la fois triste et joyeuse. Aussi changeante que le ciel ou la mer, aussi solide que l'union des deux faces opposées d'un tout. La seule chose qui la retint de fermer les yeux pour savourer pleinement les notes, était ce regard si profond que le centaure lui lançait, regard qu'elle appréhendait de croiser, mais souffrant un peu plus à chaque fois de le laisser partir. Lorsque les dernières notes s'éteignirent, elle resta silencieuse quelques instants, songeant à ce nouvel aspect de lui-même que Syl Ewan venait de lui faire découvrir. Elle tendit une main légèrement tremblante au-dessus du violon, l'effleurant sans vraiment oser y toucher.

" C'est un très bel instrument que ton père t'a laissé... D'une excellente facture visiblement... Il n'est pas étonnant que tu arrives à en tirer de si beaux sons..."

Sa main se posa sur celle du centaure, l'invitant d'une pression à mettre le violon à l'écart. Dans son regard, une lueur espiègle s'alluma et elle repoussa le plaid qui la recouvrait.

" C'est de toi, la musique? Je l'ai beaucoup aimée,... mais je préfère sans hésiter le musicien... "

Elle caressa les lèvres du centaure avec les siennes, l'embrassant tendrement, faisant partager la passion qui l'embrasait alors. Murmurant, elle désigna la couverture de la main.

" Je n'aurai pas besoin de ça, si tu me gardes dans tes bras... A moins que tu ne souhaites jouer un autre air..."

Lentement, avec un profond respect, SYL EWAN abaissa le violon et l’archer. Il tremblait d’émotion…

Non… Le morceau n’est pas de moi… C’est une musique que les hommes du clan Kooseren jouent traditionnellement même si elle demeure assez libre au niveau de l’interprétation.

Visiblement, jouer pour Faucon l’avait laissé dans un état assez fébrile…

Il laissa l’elfe toucher de ses mains délicates l’objet précieux de bois sombre comme il aurait laissé la rôdeuse toucher son propre corps avec le même abandon. Il déposa simplement l’instrument sur une table basse un peu à l’écart avant de lui offrir le refuge de ses bras et de recevoir avec amour ses tendres baisers ainsi que ses douces paroles de miel.

Il murmura à son tour…

Non… Je reste près de toi… Tu es la plus enivrante des musiques qu’il m’ait été donné d’entendre !... Et si nous la composions ensemble et pour tous les deux cette berceuse ?

Il répondit à ses baisers avec plus encore de fougue ! Plus rien n’existait en dehors d’elle !...
Les doigts du musicien glissèrent le long de la nuque de l’elfe… Il adorait déjà ce petit endroit si sensible à la racine des cheveux.

L'elfe frémissait sous la caresse de son compagnon, sentant ses doigts se placer à des endroits qu'elle n'imaginait pas si sensibles. Leur lèvres ne cessaient de s'unir, comme attirées, appelées à se découvrir de plus en plus longuement à chaque fois, entrainant leurs langues avides l'une de l'autre.

"Je ferai avec toi ce que tu voudras bien me demander, Syl . En plus je plaisantais tout à l'heure, je ne connais aucune berceuse... le vent dans les feuilles m'avait toujours paru la plus douce des mélodies jusqu'à aujourd'hui...

Elle se pressa davantage contre le corps du centaure, dont le contact des muscles la fit frissonner. De sa main, elle caressa sa joue, en redessinant les contour du visage. Elle la laissa s'égarer sur les lèvres qu'elle venait de quitter, puis glisser avec douceur le long de son cou si puissant, pour s'arrêter sur un cordon...

L'air étonné, elle tira le médaillon qui reposait contre la poitrine de Syl Ewan afin de l'observer. Elle sentit que le propriétaire allait réagir et le devança.

"Ne t'inquiète pas je ne vais pas y toucher. Je ne sais pas pourquoi mais ça m'embête. Je ne veu rien entre toi et moi, non mais."

Elle avait parlé avec un ton légèrement possessif, ne sachant pas quelle réactions elle allait lui faire avoir. L'elfe fit glisser le pendentif dans le dos de son compagnon. Affichant un petit air satisfait, elle fit semblant de lisser la tenue du sorcier au niveau des épaules, puis lentement tenta de se lover à nouveau contre lui, dans le but avoué de se faire cajoler.

"Ba voilà, c'est beaucoup mieux comme ça... "

« Je ferai avec toi ce que tu voudras bien me demander, Syl »… Les mots suaves de Faucon enveloppaient d’une envoûtante musique le cortège de ses si caressants baisers ; les faisant résonner dans tout son être… De la chair de poule sur ses avant-bras aux tensions de plus en plus insistantes dans son bas ventre, SYL EWAN était comme parcouru par un fluide parfois brûlant et tantôt glacé.
Si seulement ils pouvaient se donner l’un à l’autre… Si seulement il pouvait la faire vibrer à l’unisson de l’amour qu’il avait enfin accepté de ressentir pour la petite elfe à la folle chevelure écarlate… Ils le désiraient tant !... Le jeune centaure avait la tête qui tournait ; les résolutions et les interdits ne pesaient plus grand-chose par rapport au poids de sa passion qui ne cessait de croître.

Il avait presque oublié qu’il portait toujours autour de son cou le funeste et odieux médaillon. Il eut un léger réflexe de recul lorsqu’il cru que la rôdeuse allait y toucher mais se ravisa, faisant pleinement confiance à l’intuition de celle dont la moindre de ses pensées ne désirait rien que d’être son amant. Son éphémère angoisse en se remémorant la promesse du démon s’évapora rapidement… Telle une délicieuse agonie, elle était venue se lover plus près de lui encore…

Oui… C’est beaucoup mieux comme ça… C’est tellement mieux…

Il étaient si proches l’un de l’autre que le sorcier soupira de bien-être. Et, comme pour conjurer le mauvais sort que ses pulsions grégaires de centaure lui ordonnaient…

Faucon… J’ai… J’ai envie de toi…Tout mon corps appelle ton corps et… Je n’ai plus envie de lui dire non…

Puis, d’un ton presque suppliant…

Je t’en prie mon amour, n’accepte pas… Pas encore…

La fièvre de ses lèvres s’égara à nouveau dans son cou tandis que ses doigts sensibles de violoniste dégrafaient avec habileté son léger pourpoint de cuir ; libérant de plus en plus de peau, de plus en plus d’aires où ses baisers pouvaient se poser, offrir du plaisir...

Plus grand chose ne retenait le vêtement, et bien vite il glissa des épaules de l'elfe, laissant une plus grande partie de son corps à découvert. Le haut de sa robe, qu'elle trouvait déjà légère, laissait ses épaules nues et c'est pourquoi Faucon avait préféré mettre son pourpoint par dessus.

Elle avait entendu les paroles du centaure, mêlant la déclaration et la supplique, alors qu'elle était perdue dans un état second, focalisée sur ces baisers qui enflammait ses sens. L'elfe frissona de nouveau, cette brusque sensation la ramenant un peu à la réalité. Un fin sourire s'alluma sur ses lèvres.

" Tu me demandes d'être raisonnable... Je ne l'ai jamais vraiment été jusqu'à présent... tu crois que c'est raisonnable que nous soyons ensemble? Et pourtant j'en ai tellement envie.."

Elle avait murmuré, sa tête penchée vers l'oreille du centaure. Elle l'embrassa tendrement, glissant ses mains dans celles de son compagnon. Elle soupira, adoptant un air boudeur puis se détourna. Faucon colla son dos contre le torse du centaure, son bras posé sur celui de Syl qui entourait sa taille. Silencieusement, elle joua quelques instants avec ces doigts qui savaient si bien faire vibrer les cordes. L'elfe les embrassa, en mordilla l'extrémité, puis rejeta sa tête en arrière afin de croiser le regard du musicien.

" Je peux attendre, moi j'ai plus ou moins l'éternité... Mais j'aime tant être dans tes bras, Syl... Ici et maintenant..."

C’était donc ainsi que les elfes s’offraient à l’amour ?... Par petites touches successives ?... Par flux et reflux telle une marée capable d’emporter deux amoureux au-delà des récifs du temps ?...
Les centaures, eux, vivaient de grands élans de passion qui pouvaient les dévorer tout entiers juste pour quelques instants de bonheur avec l’être aimé…

Il y avait quelque chose d’exquis et de tragique dans ce que la rôdeuse et le sorcier vivaient ensemble…

SYL EWAN apprécia le moment de répit que sa compagne leur avait octroyé pour se sourire à lui-même de la situation… Il n’était pas de ces centaures bovins incapables de savoir où le menaient ses émotions… Il s’abandonnait en conscience… Faucon avait raison, les barrières, les tabous étaient déjà franchis et ils éprouvaient toujours plus l’envie de goûter les mille et unes saveurs de l’instant présent. Au diable la raison !... Les obstacles imposés par leurs corps étaient tels que vouloir se torturer davantage n’avait pas de sens…

Il ferma les yeux et les baisers de Faucon sur le bout de ses doigts l’emportèrent à nouveau… Un courant érotique parcouru son échine le faisant frissonner et resserrer son étreinte autour de la ceinture gracile de l’elfe. Elle se blottissait contre lui comme si elle voulait devenir un instrument de musique entre ses doigts et vibrer contre son corps.

Alors, humblement, leurs lèvres se retrouvèrent à nouveau comme après de longues semaines de solitude. Leurs regards partageaient le même désir d’être près l’un de l’autre. La main gauche du centaure remonta le long de la hanche de son amour en faisant délicieusement crisser le tissu de sa robe jusqu’à caresser la peau si délicate de sa gorge cambrée et offerte. La lisière du bustier lui offrait toujours un rempart contre lequel il savourait de se heurter, devinant derrière lui les seins de l’archer qui n’aspiraient, sans doute, qu’à toujours plus de liberté.

Il avait perdu le sens du temps et le fil de ses pensées…

Timidement, SYL EWAN confia les rênes de ce qui commandait ses gestes à son imagination. Son bras droit relâcha lentement la pression passionnée qu’il exerçait autour de la taille de Faucon et doucement, la main intuitive du musicien glissa le long de sa cuisse gainée par l’habit satiné. Une dernière broderie… Les doigts effleuraient désormais le galbe parfait du mollet athlétique de la rôdeuse. A la fois hésitant et gourmand de tant de douceur, il redessinait ses courbes raffinées, communiquant à l’elfe la chaleur de son corps.

L'elfe se sentait succomber sous les caresses de Syl, sous cette main qui se mit à se ballader librement sur son corps, sous la chaleur qu'elle sentait en émaner et les picotements sporadiques provoqués sur sa peau. Quand avait-elle perdue le contrôle d'elle-même? Elle ne le savait pas exactement et se moquait bien de le récupérer. C'est avec délice qu'elle avait constaté par les gestes du centaures que celui-ci non plus n'allait pas se montrer raisonnable. Jusqu'où iraient-ils ensemble cette nuit? Elle l'ignorait, mais était consciente qu'à un moment où à un autre, et quelques soient leurs intentions ils seraient obliger de cesser ce si doux jeu. Attirant son amant à ses lèvres, elle chassa ses pensées parasites.

Elle espérait que rien ne vienne gâcher ce moment de bonheur partagé.

La respiration de Faucon changea, devenant bien plus profonde, concentrée sur l'instant et la faisant trembler. Le goût de ses lèvres, son odeur, la chaleur qu'il dégageait,... Syl Ewan emplissait son esprit, monopole divin d'un être que l'on désire ressentir plus que soi, et dont la seule présence suffit à apaiser l'âme et emporter le coeur.

Elle ne voulait qu'une chose, se nourrir de lui, du feu qui les consumaient, qui commençait à les emporter tout deux sur des chemins inconnus. Elle luttait pour ne pas céder à l'envie de se précipiter, ne voulant pas risquer de brûler avant l'heure les étapes qui leur restaient à franchir. Ses doigts s'entrelaçaient plus étroitement à ceux du centaure à mesure que sa main progressait. A l'aveugle, elle détacha d'un geste rendu délicat par sa position, la cape reposant sur les épaules du sorcier. Faucon murmura, sa voix, malgré le vent qui soufflait à l'extérieur, audible du fait de la promiscuité.

"Voilà nous sommes à égalité maintenant..."

Elle ne fit rien de plus, se demandant quand est ce qu'il allait reprendre l'avantage...

Le centaure entendit le défit sous jacent que lui lançait la rôdeuse comme un lointain écho. Peu importait les mots ; le timbre de cette voix au creux de son oreille suffisait à lui seul. Il portait la douceur d’une brise estivale ; un murmure, une caresse de quelques syllabes qui balayait la tempête automnale. Tous les deux, enlacés sur ces coussins, paraissaient un roc de certitudes au cœur de la tourmente qui régnait dehors. Leur union portait en elle l’essence de l’union enfin réalisée avec le cosmos... La voix de Faucon, la poésie des dieux…
"Voilà nous sommes à égalité maintenant..." … L’elfe ne manquait pas d’humour et d’esprit ludique… En pareilles circonstances, ils ne pouvaient que sourire de l’ironie de la situation. Ils avaient piétiné leurs interdits culturels et maintenant, ces deux petits êtres, minuscules devant l’infini mais pourtant tellement confiants, partaient explorer les limites de leurs corps comme deux amants d’un jour que tout rapproche mais que la vie croit séparer.
La maîtrise, le contrôle étaient des illusions. Lui, le devin aurait du le savoir… Dans la plus pure déraison, ou au contraire, parvenant enfin à trouver leurs propres raisons, à rompre les amarres qui les retenaient au sol, ils avaient arraché leurs chaînes et s’étaient rendus libres de faire ensemble le plus doux, le plus merveilleux voyage. Un instant ? Toute la vie ? Ils ne seraient plus jamais les mêmes !
Unes à unes, les barrières s’effondraient. Deux décennies de dressage et la possession d’un démon n’avaient pas su les arrêter ! Que pouvait donc la chair devant leur désir ? Les limites de leurs corps ?... Le moindre mouvement démultipliait le champ des possibles ; c’en était vertigineux… La moindre respiration, le moindre souffle plus profond que le précédent vibrait de leurs différences, leur faisant construire ensemble une œuvre de plus en plus belle, métamorphosant le plomb de leurs âmes solitaires en trésor. Elle, de plus en plus femme… Lui, acceptant de mourir puis de renaître enfin dans et par le regard de Faucon, ses caresses, ses baisers…

Incapables de trouver la satiété à cette faim de l’autre, leurs langues avides refusaient de se séparer, mêlant à la fois le sel et le miel en une alchimie exquise. Effleurant du bout des doigts les épaules de Faucon, SYL EWAN ressentait dans tout son corps les petites décharges érogènes progressives que son amantes lui communiquait au moindre de ses frissons, le faisant frissonner à son tour et la désirer toujours plus. Alors que l’elfe s’était imperceptiblement tournée sur le côté pour ne le laisser que dans son ample chemise de lin noire un peu élimée, la main du centaure s’était égarée dans les cheveux écarlates de Faucon dont la fraîcheur exprimait, à chacune des inspirations de plus en plus saccadées du sorcier, la fragrance de la montagne au printemps. Redescendant amoureusement vers la nuque, la main vagabonde du musicien longea à nouveau avec délicatesse la frontière imposée par la robe. Le liseré de satin conduisait peu à peu les doigts de SYL EWAN entre les omoplates graciles de son amour qui ondoyaient doucement au rythme de sa respiration. Savourant chaque instant, le jeune centaure joua encore durant quelques secondes délicieuses avec cette lisière éphémère qu’ils allaient une nouvelle fois repousser plus loin.
Presque naturellement, le lacet était venu se glisser fortuitement, entre le pouce et l’index du devin. Très lentement, avec gourmandise et avec la dextérité que lui avaient permis d’acquérir la musique et des années de pratiques de la magie somatique, il dénoua le cordon puis délassa le haut de la robe. Oeillets après œillets, les doigts de SYL EWAN se faufilaient le long de l’épine dorsale de Faucon. Par petits à-coups, il dégageait sa maîtresse du carcan qui l’avait jusqu’alors protégée de ses caresses les plus passionnées … Déflorant du toucher cette colonne vertébrale mise à nue, le centaure soupira de bien-être et laissa quelques instants sa main arpenter le dos de sa bien aimée avant de libérer le bras gauche de la rôdeuse.

Les doigts de Faucon s’étaient entrelacés à ceux de SYL EWAN comme cinq ultimes remparts potentiels devant la passion qui les dévorait tous deux, comme des professeurs prêts à guider la main maladroite du centaure vers la féminité de l’elfe, vers toujours plus de liberté…
La présence de cette main à la fois si douce et si fraîche jointe à la sienne réveilla les premières intuitions que le cartomancien avait eu au contact de la rôdeuse : il avait confiance en elle et savait que jamais il n’aurait à regretter ce qu’il vivait en ce moment. Millimètre après millimètre, les deux mains complices prodiguaient des caresses de plus en plus amoureuses qui remontaient tendrement vers le genou de l’elfe. Le jupon de Faucon était déjà légèrement retroussé et les frôlements des doigts sur sa peau si délicate ne semblaient pas vouloir s’arrêter. Comme si toute l’énergie érotique qui se dégageait du couple se transmettait aussi bien de l’un à l’autre, SYL EWAN éprouvait lui aussi des picotements sporadiques le long de ses bras, de sa nuque, de son dos mais aussi au creux même de son intimité qui réclamait toujours plus de ce petit corps presque fragile lové tout contre lui. Les deux amants frémissaient de concert et le jeu de l’amour continuait sans faiblir un seul instant.

L'elfe goûtait cette présence et s'en nourrissait, y puisant la volonté de continuer à avancer toujours plus avant dans cette découverte l'un de l'autre. Le contact des doigts de son amant le long de son dos la faisait chavirer, lui procurant de petites décharges de plaisir. Seule une manche retenait sa robe de tomber, comme si ce petit pan de tissu, vestige d'un passé de traddition et de convenance, pouvait lutter contre une passion dévorante! Ce matin encore, elle n'imaginait pas pouvoir sentir à nouveau la joie d'être, seulement être, une existence simple comme un battement de coeur qui se répète encore et encore mais jamais assez longtemps, et bat à l'unisson d'un autre. Rien d'autre ne comptait que les points de contact qui existaient entre eux-deux, et qu'elle ne souhaitait qu'étendre, comme le feu qui, attisé par un vent violent embrase tout sur son passage. Pour cela il lui suffisait de devenir le vent...

Leurs mains jointes avaient dépassé un nouveau cap et lentement s'égaraient sur la cuisse de Faucon. Rien ne pourrait détourner cette main de sa route à part une volonté contraire... L'elfe, après quelques secondes, détacha ses doigts de ceux du centaure, le laissant terminer selon ses voeux le chemin jusqu'à elle. Avec lenteur, la rodeuse s'était tournée de manière à faire pratiquement face à son amant, elle fixait son regard résolu et brillant de passion dans le sien.

Inconsciemment, elle senti qu'il y avait quelque chose à dire, mais elle n'y parvint pas encore. Déçue par elle-même, elle laissa naître une légère moue qui ne dura que le temps nécessaire à ses lèvres pour trouver celles de Syl Ewan, choisissant de montrer par ses actes ce qu'elle croyait ressentir mais ne parvenait toujours pas à exprimer. Ses paumes se posèrent sur la poitrine de celui-ci et glissèrent le long de son torse. L'elfe se fraya un chemin sous la chemise qui cachait encore son amant, et caressa cette peau du bout des doigts, effleurant d'abord avec curiosité la jonction qui faisait de lui un centaure, et remontant à nouveau vers le torse. Elle avait faim de découverte, et ne souhaitait qu'en apprendre davantage.

En se tournant pour lui faire face, pour que leurs regards brillants de l’étoile du désir se répondent à nouveau, Faucon s’était comme métamorphosée en caresse. Par ce simple quart de tour, elle avait bouleversé toutes les règles qu’ils avaient déjà implicitement formalisé, donnant toujours plus à ces instants un caractère à chaque fois renouvelé, leur faisant saisir du bout des lèvres, en un baiser, une fleur d’éternité. La poitrine de l’elfe avait délicieusement effleurée le torse de SYL EWAN. La main gauche du musicien qui composait des arpèges amoureux le long de l’épine dorsale de sa maîtresse s’était vue, émue, cueillir dans sa paume le fruit mis à nu, le galbe d’un sein tendu vers le plaisir…

Faucon avait aussi relâché l’étreinte de ses doigts entre ceux de son amant comme pour lui dire : « tu n’as plus besoins que je te guide… Désormais, tu sais… ». Dans le même mouvement magique dans lequel la rôdeuse s’était nichée contre lui en se tenant simplement sur ses genoux, la main droite du centaure avait glissé, d’une manière rendue parfaitement naturelle, de la courbe délicate de sa cuisse au refuge de douceur qui menait à l’intimité de sa maîtresse. Du revers de sa main, du bout de ses doigts, il goûtait timidement à la richesse de ce que l’elfe lui offrait, n’osant pas encore aller plus loin, savourant juste la félicité de leur union.

Maintenant, c’était elle qui allait à la rencontre de son corps… Cela devait lui sembler étrange et pourtant, elle n’affichait pas la moindre crainte. Au contraire… D’un geste gracile, elle semblait, insouciante et résolue, partir à l’exploration, se lançant dans l’inconnu… Sous le jeu combiné de ses baisers et de ses caresses, SYL EWAN avait la chair de poule et devant ce petit bout d’être si délicat, il se sentait transiter de l’enfance à l’âge d’homme…

Lorsqu'il la toucha ainsi, ses mains qui n'avaient eut de cesse de prodiguer douceur et caresses cessèrent leurs balets amoureux, puis repartirent de plus belle. Une tempête, en elle, se déchaîna. Bien que prévu et désiré, le nouveau point de contact entre elle et son amant fit s'emballer son coeur, et ses lèvres muettement s'entrouvrirent sur un plaisir qui allait en s'intensifiant, la guidant vers une sensation de volupté toujours plus proche.

Bien vite, elle trouva que la manche qui la rattachait à son vêtement la génait grandement dans cette quête de l'autre qu'ils réalisaient. Elle l'ôta avec lenteur, la laissant glisser de son bras, terminant ce qui avait été entamé plus tôt. Pendant une seconde, l'elfe hésita. Elle s'était livrée au centaure plus qu'à aucun autre, plus que jamais auparavant, rejetant toute barrière afin de croire en lui, en eux. Pour chacun des instants qu'ils passeraient côte à côte. Ses yeux croisèrent à nouveaux ceux de son amant. Pour la combien-tième fois? Elle y puisa la résolution qui lui avait, pendant une seconde fait défaut. Proche, si proche, elle reprit son jeu de séduction.

Le désir brûlant de Faucon de mettre à nu le corps de son amant, dissimulé par le tissu, trouvait un écho déchirant dans l'envie de maintenir cette main qui s'était aventurée dans la part la plus intime de son être, et celle si douce qui caressait ses sens et lui donnait la volonté d'en demander toujours plus. Ne sachant quelle décision elle souhaitait prendre, l'elfe préféra se focaliser sur l'intensité du moment présent. Bien vite, elle se surprit à vouloir rechercher ces points si secret pour les néophytes, cachés sous l'épiderme, pouvant provoquer les plus intenses plaisirs comme les plus horribles souffrances, chez les mâles de son espèce. Sous ses doigts, le torse de son amant ne lui avait pas paru bien différent de ce qu'elle connaissait. En serait-il autant pour ces zones-ci? Curieuse, elle glissa sa main gauche jusqu'à l'un d'eux et le pinça doucement avec son ongle, afin d'observer si cela produirait une quelconque réaction, et si cette réaction serait celle escomptée ....

Le centaure frémissait sous l’effet de la tendresse elfique, sous l’effet de cette peau de satin qui frôlait la sienne, qui effleurait son âme aussi bien que son corps… Il l’explorait toujours plus loin et elle ne l’arrêtait pas… Au contraire !... Elle entrouvrait ses lèvres, ses cuisses en offrandes aux baisers et aux caresses… Leurs regards se noyaient l’un dans l’autre…
La main de SYL EWAN s’égarait enfin sur le sexe de Faucon. De l’ongle de l’index, il touchait, ému, un délicat triangle de coton brodé. Malgré cet ultime rempart qui le séparait toujours du sexe de sa maîtresse, il goûtait pourtant à la chaleur intime de son amour qui se propageait au plus profond de son être et à l’humidité de son hymen, signe que son désir ne faisait que croître.
Une fois la seconde manche abattue, la robe de soirée de Faucon ne dissimulait plus sa poitrine délicieusement sensuelle. Encore quelques instants, il laissa sa main modeler les contours et le galbe de ses seins avant d’abandonner son geste aux courbes du corps de l’elfe et à la gravité ; le long de sa hanche… Il se pencha et sa bouche gourmande vint prendre le relais ; savourer la douceur sucrée de ses mamelons exquis.

Elle le pinça non loin de l’aisselle !…
Le sorcier Kooseren devina immédiatement que quelque chose d’inhabituel se passait en lui !... SYL EWAN percevait comme un déplacement au tréfonds de son être à partir du point de pression que son amour avait exercé sur son bras. Il ressentait plus que jamais les battements de son cœur qui lui disaient combien son désir de lui faire l’amour était grand, il ressentait les flux de son sang dans ses veines, dans ses artères !... c’était comme s’il était devenu soudainement conscient des messages de son propre corps et même au delà !... Il « entendait » aussi, sans doute grâce à l’intimité qui les liait, le courant, semblable à la marée, qui allait et venait dans le corps de Faucon. Leurs cœurs battaient à l’unisson, les fluides qui circulaient en eux réclamaient avec véhémence de sortir d’eux-mêmes pour rejoindre l’autre !... Au delà de la connaissance, il ressentait tout cela ; c’était grisant !

Intuitivement, le devin avait compris que son amour avait éveillé en lui le pouvoir de la graine des larmes ardentes, le pouvoir de Ruzlekin, la graine du sang !...

Toujours plus proche mais jamais assez, leur deux corps s'effleuraient avec lenteur, au rythme de chacun des gestes esquissé tendrement pour découvrir et goûter l'autre. Elle frissonna lorsque le centaure posa ses lèvres sur son sein, lui faisant ressentir encore plus le froid environnant qui la saisissait d'autant plus du fait de sa nudité.

Faucon pensait que Syl aurait une manifestation physique de ce qu'elle souhaitait déchaîner, ou même qu'il la regarde perplexe, ne ressentant rien d'autre que le pincement d'un ongle sur sa peau... mais il n'en fut rien... Enfin il se passa quelque chose qu'elle ne sut identifier. Pendant un instant une sourde angoisse la saisie. Et si, en voulant l'aimer, elle l'avait tué?! Le stress reflua, si ça avait été le cas, il aurait été foudroyé par la douleur.

Elle vit ses pupilles dilatées, comme si quelque chose d'indéfinissable se passait en lui, une chose auqu'il ne s'attendait pas et qui le prenait au dépourvu. Qu'avait-elle donc encore fait? Fallait-il qu'elle soit maudite pour déjà apporter de la souffrance à son amant?!

Avec lenteur et une curiosité teintée de culpabilité elle s'écarta un peu du centaure, inquiète de ce qui pouvait bien lui arriver. Dans un souffle, elle murmura pour ne pas plus altérer l'intimité qui flottait encore autour d'eux.

"Qu'est-ce qui t'arrive? "