Maudite solitude

Le jeune centaure traversa le cours d’eau à gué, ses sabots arrachaient quelques algues dans le lit de la rivière. En silence mais bouillonnant intérieurement, il ruminait ce qui venait de se passer derrière la cascade… Le Diable !... Il souffla de dépit… Sa magie avait pourtant parlé et elle lui avait dit : le Diable ! Elle ne s’était pas trompée, il le savait… Alors qu’est-ce qui avait cloché?

Cet épisode l’avait rendu d’une humeur massacrante ! Il détestait lorsque son troisième œil lui jouait des tours comme ça ! Il avait l’impression qu’il ne pouvait plus faire confiance à personne et même pas en lui-même !... Il allait au hasard en forêt, espérant secrètement tomber sur quelque créature maléfique agressive…

Il devait prendre un peu de temps pour s’acclimater à son nouveau clan. Mine de rien, les choses s’étaient précipitées depuis son arrivée au sein de Satowa et déjà, il choisissait d’y exercer des responsabilités. Il agissait bien trop impulsivement et dans ce nouvel environnement, ça lui serait fatal… Il devait s’isoler un peu, retrouver le lien avec son intuition.

Doucement, sa honte disparaissait et ses pensées redevenaient plus constructives et il se prit à avoir un peu de nostalgie. Qu’il était bon le temps de son adolescence au sein de sa famille, de son clan Kooseren… Dans pareille situation, il aurait facilement trouvé du réconfort auprès d’une cousine peu farouche a qui il aurait pu se confier et tout oublier… Ici, il se sentait bien seul finalement… Il ne savait pas vraiment avec qui partager tout cela…

Machinalement, il toucha le talisman d’argent que sa grand-mère lui avait confié lorsqu’il était devenu un homme…

Faucon avait décidé de passer la nuit au coeur de la foret, là où elle ne risquait pas d'être dérangée. C'est une course rapide qui l'a réveilla, et malgré son esprit embrumé elle reconnue le pas d'un centaure... un pas un peu rapide pour une heure si tardive... Elle sortie légèrement de la protection du feuillage, et s'aperçue qu'il s'agissait de Syl Ewan. Il semblait faché et elle craignait, si elle descendait alors qu'il était très proche, de le surprendre et qu'il ne la frappe par réflexe. Lorsqu'il l'eut dépassée, elle se laissa tomber et lança d'une voix claire mais anxieuse:
"_ hé Syl Ewan, tu es sûr que tout va bien?"

En entendant la voix de Faucon Finelame, SYL EWAN relâcha son talisman par réflexe comme s'il se rendait compte qu'il allait commettre une bêtise.

Il esquissa un sourire à la guerrière elfe, à la fois amer mais aussi reconnaissant de pouvoir parler à quelqu'un, de ne pas rester seul avec son passé et ses questions.

Je vais bien Petitfaucon, j'ai juste vécu quelque chose qui m'a un peu chamboulé... Je serais content et soulagé de pouvoir t'en parler. Tu as un peu de temps? On peut s'asseoir quelque part?

L’enfant de Kooseren allongea son corps contre le tronc d'un arbre noueux et sans aucune réserve ni retenue, commença son récit.

Ben voilà… J’avais décidé de venir me chauffer la croupe aux derniers rayons du soleil près de la rivière.
Alors que je faisais une pure sieste, qui je vois débarquer ? La belle Bavmorda… Je dis rien, je la regarde juste poser dans son armure rutilante et voilà qu’elle se fout à poil pour prendre un bain !… Bon… J’en ai vu d’autre !... Je me dis juste que le paysage vient d’embellir subitement et je profite de l’environnement. J’attends quelques secondes, pensant que le charme sera rompu dès qu’elle m’aura vu et foutu son fléau sur la tronche mais crois-moi si tu veux ?... Elle ne me voit pas ! Elle devait être bien trop occupée par son propre reflet, par la fraîcheur de l’eau ou la douceur de ses cheveux… Enfin que sais-je… Elle ne me voit pas !
Là, je sais pas ce qui m’a pris… Je me suis dis que je ne voulais pas profiter d’elle comme ça… Que ce n’était pas très honnête… T’imagines même pas comment ça peut être incohérent pour moi de réagir comme ça face à une aussi belle centaure !... Je me suis juste levé, je l’ai salué et je suis parti…

Le jeune centaure ne se rendait pas compte combien ses propos spontanés pouvaient parfois mettre mal à l’aise ses interlocuteurs et face à quelqu’un d’un autre peuple que le sien, il s’imaginait encore moins faire preuve de pudeur…

Mais bon, ce n’est que le contexte…
Je repars donc en forêt en gardant en tête quelques images de la belle mais quelque chose d’autre vient me titiller et je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. C’est alors que je repère des traces… Je sens immédiatement qu’il se passe quelque chose… Et la magie ancestrale que je pratique confirme tout de suite mon intuition. Voici la carte que j’ai tiré lors de mon incantation :

D’un geste habitué et comme s’il savait naturellement où elle se trouvait, SYL EWAN sortit la carte du Diable qui n’avait cessé de le questionner depuis.

J’ai tout de suite reconnu une influence maléfique et en projetant mes sens au loin, j’ai cru que Bavmorda était en danger.
Je me suis précipité comme un idiot et là, je te passe les détails mais je tombe pile poil là où il ne fallait pas ! La belle Bavmorda et Ellenthir étaient en train de s’embrasser sous la cascade. Je vais te passer aussi le ridicule de la situation et le fait que cet enfoiré en a profité pour se faire mousser aux yeux de Bav. Ce qui me chamboule dans tout ça, c’est cette carte…

Il tenait la carte dans la paume de sa main et tandis qu’une aura se dégageait de la lame de tarot, les yeux du sorcier prenaient une lueur mauve inquiétante.

Le Diable est une carte pleine de contradictions, difficile à cerner mais qui prévient de choses graves. Je crois que je devais avoir l’esprit ailleurs pour l’avoir interprété de façon aussi basique !

En repensant à ce qu’il avait vécu, il ne pouvait que constater son trouble devant les souvenirs de la belle guerrière. Il repoussa aussitôt cette pensée avant qu’elle ne s’imprègne trop profondément dans sa psyché et le lie à celle qui ne fallait pas.

Voilà… Tout cela est peut-être un peu trop confus pour toi, Petitfaucon, mais je suis convaincu que quelque chose de sombre est tapis dans l’ombre et cette fois-ci ce n’est pas Ellenthir !...

Le fait que Syl Ewan veuille lui parler ne la dérangeait vraiment pas; elle le connaissait peu mais était toujours prête à écouter les autres. Elle allait acquiescer et dire qu'elle avait tout son temps, maintenant qu'elle était réveillée, mais son interlocuteur ne lui en laissa pas la possibilité. Elle fut submergée par le flot continu de parole du centaure, qui semblait n'avoir attendu que la possibilité de tout raconter. Sa façon de s'exprimer ainsi que sa posture amusait Faucon au plus au point, d'autant plus qu'il lui racontait avoir joué les voyeurs sans la moindre gêne!

La suite l'interpella plus. L'idylle naissante entre Bavmorda et Ellenthir la laissait quelque peu indifférente bien qu'elle soit ravie qu'ils se soient trouvés. Elle ne put éviter un mouvement de recul lorsqu'il sorti d'on ne sait où la carte du diable, carte qui semblait maintenant occuper toute ses pensées.
Lorsqu'il eut terminé son récit, Faucon fit le tri dans son esprit pour être sûre de bien avoir tout saisi. Elle ne doutais pas que le centaure avait mis le doigt sur quelque chose d'important, mais elle n'était pas certaine de comprendre quoi
" Ce que tu es en train de me dire c'est qu'il y a quelque chose ou quelqu'un qui menace bavmorda? Mais puisque tu n'étais pas au courant de la présence d'Ellenthir, c'est peut être lui qui est menacé?" Puis elle essaya de voir les choses autrement:
"Ou est-ce un danger aussi grand et noir que ceux qui menacent lors des grandes périodes de trouble et de doute?"

La curiosité de Faucon était maintenant piquée au vif, et elle espérait que Syl Ewan, dont elle ne déchiffrait plus l'expression, accepte de l'éclairer

Malgré l'aspect inquiétant de son récit, SYL EWAN ne put s'empêcher d'esquisser un sourire lorsque la rôdeuse elfe, qui venait de lui servir de récepteur, eut un mouvement de recul devant la carte dont l'aura flamboyait comme des flamèches malsaines.

Il prit un ton grave.

Tu as raison de craindre cette carte, c'est la plus puissante et la plus dangereuse de toutes les arcanes majeures! Son pouvoir est tel qu'elle détient le secret pour échapper aux entraves matérielles de la terre!

Concernant tes questions, je suis bien incapable d'y répondre aujourd'hui. Je ne sais pas qui est concerné... Bavmorda? Son amant? Toi? Moi? Le clan? SarWyen?...
Tout ce que je sais c'est que des forces de manipulation, d'ambition, d'agressivité sont en oeuvre dissimulées par de puissantes illusions.

Il se pourrait que nous puissions interroger cette arcane mais ce ne serait pas sans risques car toute question posée peut éveiller la force primaire de ce qui se cache derrière le Diable.
Qu'en penses-tu? Je ne me sens personnellement pas la puissance suffisante pour interroger seul cette carte. Connais-tu quelqu'un au sein du clan qui soit un sorcier assez puissant pour tenter cette expérience avec moi?

Le jeune centaure avait peu d'espoir, Satowa était un clan de pisteurs, de guerriers et de paladins. En dehors des cinq lignées qui avaient été oubliées, les centaures n'étaient pas très doués pour la pratique des arcanes.

Faucon n'imaginait pas que chercher à communiquer avec les lames de tarot pouvait se montrer si dangereux, alors qu'elle n'avait jamais eut d'ennuis autrefois, lorsqu'on avait voulu l'initier à la gyromancie. rien à part la nausée, se rappela t-elle en évitant un sourire, car ce n'était pas le moment propice aux réminiscences.

Après avoir réfléchi, l'elfe fit part au centaure du peu de connaissance qu'elle possédait:
" Je sais qu'il y a dans le clan, en plus de toi, trois autres sorciers. 2 sont encore à l'academy et possèdent moins d'expérience. Mais il y en a une qui a rejoint Satowa, il y a quelque temps. C'est aussi une elfe et son savoir pourrait peut être te guider, bien que je n'ai aucune certitude. Par contre si tu recherches des être ouverts aux magies, n'oublie pas que les prêtres et les rodeurs possèdent certaines techniques et que les elfes entre autre; sont habiles à ces pratiques."

Elle se tu, consciente qu'elle ne parlait jamais tant d'habitude, et encore moins en présence d'un interlocuteur aussi étrange. Mais il y a des moments où l'on doit laisser de côté ses appréhensions et écouter son instinct, et celui-ci lui disais que si les problèmes arrivait ce n'était pas le moment de jouer les huitres! Aussi elle banda sa volonté comme elle le faisait avec son cher arc et dit à Syl Ewan qui risquait à force de perdre patience ce qu'elle pensait vraiment:

"_ Ecoute, Syl (peut être un peu trop familier, mais il fallait qu'elle assume maintenant), je ne sais pas exactement quels sont les danger qui guettent ni les forces qui menaceraient si d'aventure tu te risquait à interroger les cartes.Par contre je sais que quoi qu'il se passe, il vaut mieux éviter d'impliquer trop de monde dans des tentatives hasardeuses. Je ne suis pas sorcière mais en tant qu'elfe et rôdeuse je connais un minimum les magies, alors si cela suffit je suis prête à t'aider. Par contre si tu estimes avoir besoin d'alliés plus puissant je pourrait te soutenir dans ta recherche,si tel est ton souhait.

Faucon était assise, bien droite et sa volonté y transparaissait. Elle attendait que le centaure reprenne la parole sachant qu'il y avait de grande chance que celui-ci la croit folle ou bien trop stupide, voire les deux, ce qui était loin d'être le cas.

Il y avait un drôle de contraste entre les deux individus. Le centaure était plus massif que la petite elfe pourtant, ses muscles à elle étaient mieux dessinés; témoignant de son entraînement quotidien d'archer. Dans leurs attitudes respectives aussi, ils étaient bien différents. SYL EWAN était affalé, nonchalant, sur un lit de feuilles mortes tandis que Faucon était assise bien droite, presque rigide.
S'apercevant de cela, le jeune sorcier ne put s'empêcher d'oublier quelques instants la gravité de leur conversation. Il reprit bien malgré lui son petit sourire qui lui donnait un air si narquois et posa sa main sur le revers de celle de la rôdeuse.

Faucon... Je voulais te dire...
Merci

Il laissa planer un silence

Interroger le diable est quelque chose que je devrais faire seul; techniquement, je ne vois pas qui pourrait se charger de ça. Toutefois, j'aurais besoin d'aide. Si la sorcière de ton peuple est aussi puissante que tu le dis alors, j'aurais besoin qu'elle réunisse les courants de mana autour de nous.
Quant à toi...

Il eut un petit rictus malsain et détourna les yeux en ne gardant que le contact de ses doigts sur le dessus de sa main.

Si ça tourne mal... Tue-moi!

Puis, comme s'il avait juste dit quelque chose d'anodin, de presque risible, il se redressa en prenant la main de Faucon dans la sienne et l'invita.

Monte!... Allons chercher ta puissante sorcière et finissons-en avec les doutes!

Ce fut l'étonnement qui saisie d'abord Faucon lorsque Syl Ewan approcha sa main et la remercia. Elle ne s'y était pas attendue et pensait au contraire devoir faire face à un centaure moqueur. Pendant quelques instants, elle s'interrogea sur la raison d'une telle parole; 'merci de m'avoir écouté? d'avoir essayé de comprendre des croyances autre que les tiennes? de m'avoir proposé ton aide?'
Cela pouvait être tout et rien à la fois, car "merci" et l'un des rare terme qui a plus de profondeur et de sens lorsqu'il est prononcé seul, qu'un discours exprimant la même idée.

Puis laissant de côté ses réflexions qui n'avançait à rien, elle hocha imperceptiblement la tête lorsque son interlocuteur lui fit part de sa volonté de demander son aide à Diane, sorcière elfe dont elle ne doutait pas des talents. 'C'est en effet le plus sage, se dit-elle et le meilleur moyen de garantir des chances de réussite à cette entreprise hasardeuse.'

Faucon était en train de de se demander si son aînée accepterait de les aider lorsque le jeune centaure lui dit quelque chose qu'elle ne saisit d'abord pas. Comme il semblait se relever, elle fit machinalement de même, consciente du monde qui l'entourait et de sa main dans celle de son interlocuteur, mais incapable d'avoir une pensée cohérente. Elle le fixait avec une étrange lueur dans les yeux, comme si de nombreux souvenirs enfouis tentaient de la submerger pour la replonger dans ses cauchemars.

Reprenant conscience,Faucon grimpa sur le dos de Syl Ewan, peu rassurée. Elle était déjà montée à cru mais jamais sur un centaure et cela promettait d'être une drôle d'expérience, d'autant plus qu'elle le soupçonnait de vouloir aller très vite, et probablement dans le seul but de l'agacer, ressentant sûrement son malaise.

C'est seulement au moment où le centaure se mit en route que l'écho des paroles prononcées la frappa, la poussant instinctivement à se retenir plus fermement à la réalité, et donc à Syl Ewan. "Si ça tourne mal...Tue-moi!" avait-il dit. Serait elle capable de mettre en pratique ce qu'elle avait appris et qu'elle se refusait à faire?
Fermant les yeux pour chasser ces pensées, elle ne pu s'empêcher de réclamer, les dents serrées : "Si tu pouvais éviter de courir comme un fou ça m'arrangerait; de toute façon nous n'arriverons pas sur la place avant le soleil"

Car c'était vrai. La nuit avait laissé venir l'aube sans même qu'ils s'en rendent compte.

Faucon était toute légère sur le dos du centaure. Mais, lorsqu'il se mit en route, elle se crispa; resserant ses cuisses sur ses flancs, ses bras autour de sa taille et posant sa joue entre ses omoplates.

Dans cette promiscuité un peu malsaine, les paroles de SYL EWAN devaient résonner dans l'esprit de la rôdeuse... Son silence en disait long, elle devait méditer la terrible requête qu'il venait de lui faire.
Quant à lui, il ne s'était pas posé la moindre question mais le corps de l'elfe contre le sien le mettait un peu mal à l'aise et il se focalisa sur les réponses qu'il cherchait, accelerant sa course... Ce n'est que lorsqu'elle reprit la parole qu'il refreina son élan. Elle avait raison... Ils avaient encore de la route; la fatigue et la précipitation n'apporteraient que ruine...

Aux premières lueurs de l'aurore, il s'arrêta et dit d'une voix maladroite et froide:

Descend! Je suis fatigué!

Son ton était coupant comme une lame de poignard, comme s'il cherchait à trancher leur amitié naissante, comme s'il voulait qu'elle n'ait pas le moindre scrupule, comme s'il voulait mettre au pas les impressions confuses qu'il ressentait.

Reposons-nous ici!

Puis d'une voix plus douce.

Tu veux?...

Comme un artifice pour se défendre des autres, il reprit son étrange sourire porteur de toutes les vérités et de tous les mensonges.

L'elfe avait gardé les yeux clos pendant tout le voyage, plongée dans des souvenirs d'un autre temps, et peu à peu gagnée par la fatigue. Ce fut l'arrêt de la course du centaure qui la fit revenir à la réalité et s'écarter légèrement de manière à agrandir son champs de vision, car elle ne reconnaissait pas cette partie de la forêt. Elle descendit à la demande de Syl Ewan, ne se formalisant pas du ton qu'il avait employé, craignant même que la façon dont elle était assise lui ait causé un quelconque problème. Faucon allait s'en excuser, lorsqu'un ordre donné lui fit ravaler ses paroles.

' Pourquoi me parle-t'il ainsi? Il est soudainement devenu allergique aux elfes?' Elle s'interrogeait, interdite, ne sachant quelle attitude adoptée, tant son interlocuteur, passant d'un ton à un autre était déconcertant. C'est seulement lorsqu'il prit cet air qu'il semblait affectionner et qui le faisait paraître si arrogant et détestable aux yeux de Faucon qu'elle laissa exploser sa colère

"Comment oses-tu? Et pour qui me prends-tu? Je n'ai aucun ordre à recevoir de toi! Qu'est-ce qui peut bien te fait croire que tu as les capacités pour pouvoir m'en donner?! Tu n'as rien d'exceptionnel, tu n'es rien et ça tu l'oublies; tu as accumulé bien trop d'erreurs en moins de temps que je ne peux le tolérer. L'elfe prononça ces dernières paroles dans un grondement bas et grave, identique à ceux qui annoncent l'orage lorsque le ciel est gris. Elle était fatiguée, pas encore remise de sa course chaotique et ne pouvant accepter d'être traitée de manière si irrespectueuse, elle préférait que les choses soient claires; et vite.

"Mon aide ne te donne PAS le droit de me prendre pour un domestique à ton service et ce n'est PAS parce que je ne suis pas un centaure que je te suis inférieure! Puis reprenant son souffle, elle s'exclama "Je t'INTERDIT Syl Ewan de me parler ainsi à nouveau, quelqu'en soient les raisons!"

Faucon faisait face au centaure, la colère qui bouillait en elle faisant écho à un regard glacial que peu avait eut à affronter. Revenant un peu à la raison mais toujours sur la défensive, elle proposa un compromis

"Si tu t'excuses pour ton attitude, j'accepterais d'oublier pour cette fois, car il me semble que nous avons plus utile à faire que de nous disputer à cause de ton impolitesse"...

Il affronta la colère de l'elfe de façon semblait-il imperturbable en fouillant dans ses effets personnels. Lorsqu'elle lui réclama des excuses, il avait enfin trouvé ce qu'il cherchait: une cruche de vin, une miche de pain, du fromage, du jambon fumé et une part de tourte aux légumes...

Tu as faim, Faucon?

Il ne semblait même pas se moquer d'elle. Il avait presque l'air triste.

Il faut manger et te reposer, je ne voudrais pas que ta main tremble.

Il lui tendit la moitié de ses maigres victuailles en évitant son regard.

"Je n'ai pas faim" C'était faux, bien sûr, mais elle était tellement énervée qu'elle refusait d'avoir à être redevable au centaure pour quoi que ce soit. L'elfe avait été très vexée du peu d'intérêt qu'il avait montré envers ses récentes paroles. Il y a bien longtemps, elle en avait tanné pour moins que ça. Mais les choses étaient différentes aujourd'hui et elle se rendit compte avec les dernières paroles de son compagnon d'infortune, qu'il n'était peut être pas aussi imperméable à ce qui se passait qu'elle le croyait.

Elle se mit à marcher, les bras croisés, l'ignorant totalement, maugréant contre son attitude, la colère qu'il lui avait inspirée et toutes les choses qui s'étaient mal passées depuis qu'il l'avait réveillée. Par dessus tout, elle lui en voulait de ne pas être compréhensible, et s'en voulait à elle-même de ne pas le comprendre. C'est seulement lorsqu'elle eut entamé le troisième tour que son énervement retomba finallement. Elle cessa de tourner en rond, posa le le sac qu'elle ne quittait jamais pour y prendre une chose qu'elle garda enfermée dans ses mains.

Se relevant, elle se dirigea vers Syl Ewan, tentant de capter son regard, et plantée face à lui elle lui demanda de l'air convaincu et sérieux qu'on ceux qui savent parfaitement où il vont

" Sais-tu pourquoi j'ai été surnommée 'petit'faucon?"

Evidemment, il ne s’attendait pas à ce qu’elle accepte ce qu’il avait à lui proposer… Le jeune centaure eut un geste las, reposa ses aliments et continua à s’affairer seul ; laissant à sa compagne en colère le temps de dompter ses émotions. Tandis qu’il découpait avec son poignard courbe deux larges feuilles afin d’y déposer leurs repas respectifs, espérant qu’elle finirait par changer d’avis, il observait d’un regard en coin le manège de Faucon, cherchant à y percevoir la tempête qui soufflait dans l’esprit de la rôdeuse.

Lorsqu’elle vint se camper devant lui, il releva lentement le visage et planta ses yeux dans les siens.

"Sais-tu pourquoi j'ai été surnommée 'petit'faucon?"
Parce que Grand Vrai Con, ça m’était réservé ?

Il lui fit un sourire malicieux et apaisant.

Elle ne pu s'empêcher de sourire à la remarque de Syl Ewan, et la rangea dans un coin de son esprit, au cas où...

"Le Faucon symbolise la rapacité, l'avarice et la méchanceté; des... qualités qui étaient bizarrement très appréciées dans ma famille. Mais il est apparu assez rapidement que je n'était pas à la hauteur des espérances de mes ancêtres. Aussi l'un de mes cousins trouva amusant de souligner cette défaillance par un surnom qu'il trouva approprié." L'elfe fit une pause dans son récit, le regard triste et lointain, semblant mettre de l'ordre dans des souvenirs qui se précipitaient en elle.

Lorsque quelqu'un subissait un affront que les anciens de la famille qualifiait de grave, cela se réglait par une sorte de duel à mort. Et ceux-ci n'ont pas accepté qu'une de leur descendante directe soit ainsi traitée. Là-bas il n'y avait pas de place pour les faibles. Peut-être espéraient ils se débarrasser de moi... Mais c'est moi qui es gagné. Malgré cela, le surnom est resté.

Son regard cessa de dériver, et il se fixa, implacable, à celui de Syl Ewan. Elle ignorait si elle pensait réellement ce qu'elle allait dire, mais elle avait la certitude de devoir le faire.

"Je ne serais jamais quelqu'un de profondément méchante et malgré toi, je n'ai pas réussi à te détester, mais s'il le faut vraiment, lorsque le moment sera venu et s'il n'y a pas d'autre choix, alors je te tuerai. Ma main ne tremblera pas car je ne rate jamais une cible que je veux vraiment atteindre, et je ne te laisserai pas le temps de faire du mal, a toi-même ou à quiconque."

Puis changeant de ton "Par contre si on pouvait éviter d'en arriver là ça m'arrangerait; je suis réellement avare et ça m'ennuierai de gaspiller mes flèches pour toi."

Ouvrant ses mains, elle déposa sur chaque feuille une poignée des fruits frais qu'elle cueillait chaque soir pour le lendemain matin, et s'empara d'un morceau de pain du centaure.

Il écouta son histoire avec attention… Elle voulait partager de la confiance avec lui… Ecoute-moi et comprends que je ne te trahirais pas… Il se sentit à nouveau inconditionnellement à l’aise en sa compagnie et repoussa l’étrange sentiment qui l’avait rendu si odieux.

Il lui servit un petit godet de vin et prit volontiers l’un des fruits qu’elle lui tendait. Ils partageaient leur repas comme un symbole devant cette nouvelle aube qui donnait au paysage des teintes enchanteresses.

Tu es fatiguée mon amie ?

Ce mot avait une drôle de connotation dans sa bouche.

Je saurais arriver chez Diane… J’ai hâte de voir ce que donnent les sorcières de ton peuple… Si elles sont comme les rôdeuses, je n’ai rien à craindre…

Il l’embrassa tendrement sur le front.

Je te promets de faire tout mon possible pour que tu n’ais pas à prendre ma vie…

L'ambiance avait évolué. Il était agréable de partager un moment simple, sans se soucier de l'avenir sombre qui s'annonçait. D'autant plus agréable qu'elle n'avait pas à se fâcher! Le lien, ou plutôt l'absente de barrière entre le centaure et l'elfe la laissa quelque peu mal à l'aise, au départ. C'était nouveau d'avoir de la compagnie, surtout d'une personne qu'elle avait voulu étrangler quelques minutes plus tôt! Elle termina sagement son original petit déjeuner, puis comme pour répondre en partie à la question de Syl Ewan , elle se recula, dans le but de s'adosser, bien droite à un arbre proche.

"Je suis en effet assez fatiguée, et comme il n'est pas trop tard, je crois qu'il serait bien de se reposer un peu. " Elle ferma les yeux, puis les rouvris " Tu devrais en faire autant Syl, tu as beaucoup plus de sommeil en retard que moi, et c'est toi qui va devoir nous amener jusqu'à chez Diane.. Et je ne te porterais certainement pas, si tu es trop fatigué pour avancer!"

Un sourire au lèvre, Faucon se laissa bercer par le vent matinal qui se jouait des feuilles encore pleines de rosée. Elle dut s'endormir, car lorsqu'elle vérifia la course du soleil, elle s'aperçut qu'il n'était plus à la même place que précédemment. Tout en se frottant des yeux qui n'avaient pas appréciés d'avoir tant de lumière, et d'une voix légèrement ensommeillée, l'elfe demanda au centaure son avis

" Est-il temps de reprendre la route, ou ne te sens-tu pas encore prêt?"

Il lui sourit, attendant qu'elle se rende compte qu'elle se trouvait délicatement déposée sur son dos.

Non, il n'est plus temps de reprendre la route.

Il lui fit un clin d'oeil.

Nous y sommes... Tu as dormis comme un bébé, je n'ais pas eu le coeur de te réveiller...

Et moi, tu sais, trouver le sommeil, je n'aurais pas su... Un peu trop d'énergie et d'anxiété pour ça...

Nombre de messages : 15 Date d'inscription : 13/05/2006

Dans l'aube naissante, la sorcière s'éveilla subitement. Quelque chose était en train de se produire, un sombre présentiment l'oppressait.
Elle se leva donc et fit brûler une branche d'ent maléfique. Pendant que la fumée envahissait la pièce centrale de sa cabane près de la ville, elle se prépara lentement.
Quand elle fût prête elle se laissa submerger par l'odeur de ce bois magique. Ils n'allaient plus tarder, une requête les accompagneraient. Elle n'en discernait pas le fond mais cela semblait important.

Le bruit des sabots la tira de son exploration mystique. Elle se dirigea vers la porte et l'ouvrit, découvrant le visage ensommeillé de Petitfaucon, ainsi que le centaure Syl Ewan qui la portait. Elles n'avaient fait que les entrevoir, ils étaient de l'academy, lui était sorcier elle le sentait.

Elle leur sourit poliment.

Entrez jeunes Satowiens, je vous attendais.

Le jeune centaure prit la petite rôdeuse dans ses bras et l'aida à descendre de son dos afin de ne pas la brusquer en plein éveil.

L'odeur qui arrivait jusqu'à ses narines lui rappellait le sanctuaire de sa grand-mère et les premières heures de son apprentissage.

Quant à la créature qui se tenait dans l'encoignure de la porte, l'aura qui se dégageait de ses chacras était telle que même en tant que néophyte, il ne pouvait qu'être impressionné par la puissance brute qui se dégageait de la sorcière.

Il s'inclina respectueusement...

Je te salue, Diane... Reçois les hommages de SYL EWAN eau dormante, porteur du sang de Kooseren.

L'elfe qui apprécia beaucoup que le centaure l'aide à descendre alors qu'elle était encore endormie, se jura intérieurement de ne plus jamais se mettre dans une situation aussi embarrassante et insolite devant l'une de ses aînée. Elle était intimidée par Diane, qui avait une sorte de force qui vibrait autour d'elle, mais que la rodeuse n'identifiait pas. " J'aimerai vraiment lui ressembler lorsque l'âge m'en aura donné la possibilité" fut la première pensée cohérente qu'elle put avoir depuis qu'elle était réveillée.

Elle demeura attentive à la présentation de Syl Ewan, consciente qu'il y avait là de nombreuse choses qui lui échappait, puis sourit à son aînée.

"Je suis Faucon fine lame, bien qu'il ne soit pas utile d'utiliser mon nom en entier, et vraiment ravie de faire ta connaissance."

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Elle renouvela son invitation, et ferma la porte derrière eux.
Ils se trouvaient ainsi dans une pièce où les jeux de lumières étaient tels, qu'elle paraissait plus grande que la cabane elle-même.
Au centre se trouvait une table circulaire, sculptée par les plus grands ébénistes elfiques, sur laquelle étaient déposées de nombreux artéfacts.

Elle les regarda l'un après l'autre, cherchant l'origine du sombre présage et lequel était le plus concerné. Elle scruta intensément Syl Ewan, puis regarda Faucon fine lame avec un sourire énigmatique.

Ta volonté d'aider est noble jeune Elfe, bien que je doute que tu connaisses les risques. Tu n'auras pas besoin de ton arme en cette demeure.

Elle se tourna à nouveau vers le centaure.

Eh bien jeune sorcier, Il est temps pour toi de m'expliquer ce que tu as vu.

SYL EWAN eut un regard chargé d'affection en direction de son amie embarrassée.
Qui sait?... S'il surmontait cette épreuve et s'il demeurait en bonne intelligence avec Diane, elle l'aiderait peut-être à maîtriser Jolomasin, la graine de la féérie, si proche du peuple elfique... Il avait ce pouvoir endormi dans son sang mais dans sa famille, on éveillait surtout aux arts divinatoires...

Devant le pouvoir de l'enchanteresse, il faisait figure d'amateur, de sorcier de village, de bricoleur de la magie. Pourtant, nul autre que lui ne pourrait savoir ce que le diable dissimulait comme menace...

Les cartes sont des symboles très anciens et très puissants, tu n'es pas sans l'ignorer, Madame. Lorsqu'une carte apparait dans un moment de doute et lorsque les astres sont en conjonction, cette carte nous porte alors un message des cieux que les membres de ma famille ont appris à entendre et à interpréter.

Le diable n'est pas une carte comme les autres, elle est chargée en énergie; alors que les autres lames tendent à mener à la neutralité, celle-ci, au contraire évoque des forces magiques dangeureuses et primordiales.

J'ai besoin de toi, Diane! Besoin de la formidable mana que tu portes en toi. Sans ton aide, je ne pourrais débusquer le Diable et savoir ce qu'il cherche à dissimuler derrière son voile d'illusions. Je sais percer le secret des cartes mais pour celle-ci il me manque ce dont tu disposes: la puissance!

Pendant que le centaure expliquait le pourquoi de leur venue, l'elfe déposa son carquois et son sac, dans lequel il y avait entre autre, une petite arbalète, à proximité de la porte d'entrée. Elle allait reprendre sa place, silencieusement, quand elle trouva que la proximité d'une table remplie d'objets apparement insolite lui irait vraiment beaucoup mieux..

L'attention de son aînée étant réservée à ce qui était dit par Syl Ewan, elle attrapa un objet qui lui passait sous la main.

" Quant à moi, il ait certain que je ne me rend pas bien compte des risques, mais je suis persuadée que cela fait partit de la vie d'agir de manière irraisonnée. Et quoi qu'il se passe il sera temps ensuite d'assumer les conséquences. Je veux vraiment aider malgré ce qu'il pourrait en coûter; mais je ne veux pas non plus être un poid ou vous causer un quelconque soucis.."

Elle avait gardé l'objet caché derrière son dos pendant qu'elle parlait, pensant pouvoir l'examiner quand les autres auraient reportés leur attention sur le problème du moment. Mais il y eut une lumière, intense, et une étrange chaleur qui monta de l'objet, la faisant sursauter. Voyant le phénomène, elle reposa vivement ce qu'elle avait emprunter, et se tordant les mains, regarda dans la direction de la sorcière. Elle savait qu'elle devait arrêter de se montrer aussi curieuse, et finit par se composer l'air le plus innocent possible, ne sachant pas ce qu'elle avait entrainé..

"Euh.. je voulais regarder et... vous savez que vous ne devriez pas laisser des objets dangereux à la portée de n'importe quelle main?"

Nombre de messages : 15 Date d'inscription : 13/05/2006

Diane toisa la jeune elfe d'un regard qui semblait lui dire que sans cette curiosité il n'y aurait pas de problème. Puis sa bouche s'ouvrit en un large sourire. Enfin elle rit regardant l'objet qui perdait lentement de sa luminosité. Elle ramassa l'objet, qui s'avérait être un petite fiole de cristal. Elle l'ouvrit et une brillante lueur s'en envola et s'échappa par une fenêtre entrouverte.

Ton innocence a réveillé cette quintescence féérique, elle peut désormais rejoindre son royaume, cela faisait des semaines que j'attendais cela.
Le mal créé par Thanédel affaiblit les fées, leur essence de vie se meurt.
Tu devrais venir plus souvent, tu as le coeur pur et ta foi dans la magie malgré ta méconnaissance est salutaire à ces créatures.

Elle remarqua l'air embarrassé de Petitfaucon.

Ne te blâme pas, tu viens de sauver la vie d'une merveilleuse créature, créatrice de rêves et protectrice des bois.

Elle se tourna à nouveau vers Syl Ewan.

Eh bien Syl Ewan, la seule manière de comprendre ce présage est de le faire vivre. Je suppose que tu connais les risques. Je peux faire vivre cette carte, mais toi seul doit l'affronter pour comprendre ce qu'elle cache. Si ton âme n'est pas assez forte, je ne pourrais que ramasser les morceaux de ton esprit.

SYL EWAN écarquilla les yeux. Même s'il avait déjà rencontré de tels phénomènes lorsque ses cousins Jolomasin pratiquaient leurs arts mystiques, il ne pouvait que tomber sous le charme en présence de l'expression naturelle de l'âme de SarWyen. En chaque être, chaque chose, chaque lieu, il y a une beauté intrinsèque qui touche l'émotion, le désir et le rêve... Un jour il toucherait du doigt cette relation au monde, il le savait.

Tour à tour, il regarda les deux elfes, la configuration de la pièce, les différents objets qui se trouvaient ici, cherchant à y percevoir cette essence féerique.

Il vit la moue à la fois navrée et canaille de Petit’faucon et lui fit discrètement un sourire complice.

Tu ne me loupes pas ?... Tu promets ?!?...

C’était juste pour lui dire, je suis content que tu sois là, j’ai confiance en toi.

Puis, il prit une profonde inspiration, déplia un carré de soie de couleur mauve sur la table où il s’était ménagé une petite place, alluma une bougie et ferma les yeux.

Sans regarder son jeu, il tira une carte qu’il vint déposer face cachée au centre de l’espace qu’il s’était agencé.

Il releva la tête, rouvrit les yeux et regarda Diane.

Très bien, Madame, je suis prêt et lui aussi…

Il toucha la carte, l’effleurant de son majeur.

A toi d’agir… Fais souffler les courants de mana ! Que la magie crépite ici !

Il se fit canal, ouvrit son esprit pour y recevoir ce que la sorcière y déverserait.