La nuit avait été calme. La prêtresse avait dormi profondément d'un sommeil sans rêve.
Et pourtant. Cette nuit apparemment si paisible avait été le théâtre d'un drame, d'un terrible événement pour elle, pour le clan aussi mais surtout pour elle.
Elle avait perdu sa deuxième protégée.
Elle avait trouvé la lettre, à même le sol devant sa porte. La curiosité qui l'emplissait alors qu'elle s'en saisissait et la dépliait fit vite place à une immense tristesse, à une douleur presque insoutenable.
Le cauchemard se répétait. Une fois de plus, elle perdait un être cher à son coeur, ce dernier se fissurant un peu plus.
Sans même prendre la peine d'enfiler une robe de chambre, elle se précipita au-dehors, la lettre serrée dans son poing.
Peut-être...
Peut-être n'était-il pas trop tard ? Mirage se trouvait peut-être encore à l'auberge ou dans les environ du clan.
Mais non. Elle avait du quitter Satowa dans la nuit, sans un bruit. L'elfette s'imaginait sa fine silhouette cheminant dans les plaines qui environnaient le clan, éclairée par la faible lueur de la Lune.
Pourquoi ?
Elle relut la lettre. Elle pensait son âme impure... Comme celle de tout le monde. Aucune âme n'est réellement pure, celle de Caroline aussi avait été entachée. Comme toutes les autres.
"Certains ont raison, je n'ai sans doute pas ma place parmis vous" A qui faisait-elle allusion ? A Syl Ewan ?
"Peut-être est-ce la malédiction qui me condamne à l'isolement". Alors pourquoi partir ? S'opposer à cette malédiction est le seul moyen d'espérer l'annuler !
L'elfette était perdue. Le même scénario qu'avec Alqualöth. Des raisons, des promesses, cette peine.
Elle observa le monde autour d'elle. Elle s'était arrêtée au beau milieu des plaines qui entouraient le territoire du clan, ces plaines qui s'étendent jusqu'à l'horizon.
Elle était lasse. Lasse de souffrir, lasse de courir. Après quoi ?
Elle se laissa tomber dans l'herbe sèche, observant la voûte céleste qui la dominait. Pas un nuage, juste cet implacable soleil qui l'éblouissait, qui lui interdisait de perdre son regard dans l'immensité bleutée de son royaume.
Soit.
Elle ferma les yeux, une larme s'en échappa, roula sur sa joue avant de tomber sur le sol qui eut tôt fait de l'absorber, assoiffé comme il l'était.
Là, dans cette posture de total abandon, les yeux clos, allongée dans les haute herbes, invisible aux improbables visiteurs, elle réfléchit.
Les gens qu’elle aimait finissaient par partir. Le destin était impitoyable avec elle. Il lui avait perdu deux époux, deux protégée et amis, de vieux camarades, amis également. Au nom de quel affront ? Quel pêché avait-elle bien pu commettre qui lui eu valu tous ces déchirants départs ?
Le doute naquit en elle. Tout ces malheur avait commencé après que... après qu'elle eut quitté son Royaume. Après qu'elle eut commis l'irréparable aux yeux des siens.
Elle sourit en songeant à la tête que ferait Faucon si elle avait eut connaissance des véritables raisons de son départ. Elle plaisantait déjà sur sa vie sentimentale alors ! Bien qu'il n'y eut pas à rire de cette histoir, au contraire. Une bien triste histoire.
Faucon... Elle, elle était toujours là, amie fidèle et drôle à ses côtés, tout comme vété, leur tonton de coeur. Béréthor ferait bientôt son retour, elle l'espérait vivement. Et puis il y avait tous les autres membres du clan. Syl, le centaur-sorcier-cartomancien aux multiples talents, Aravis qui avait fait son grand retour, blade qui venait de les rejoindre à la suite d'Adonis... Voilà pourquoi elle avait toujours couru et continuerait encore à le faire. Pour toutes ces personnes qui lui apportaient un peu de bonheur, qui éclairaient sa vie.
Elle repensa aux derniers mots de Mirage. Il en était ainsi pour elles aussi. Elle attendrait que la félys revienne papillonner à ses côtés, lui montrer qu'elle était digne de son attachement. Alors elle sourirait, lui murmurant qu'elle l'avait toujours été, car la plus grande force n'est pas celle dont on dispose grâce à ses mains. Elle comprendrait, et toutes deux riraient sans doute à nouveau. Comme avec Alqualöth.
Mais pour l'instant elle ne pouvait rien faire d'autre que de lui souhaiter bonne chance, qu'espérer la revoir au plus vite.
Elle se releva, sa bonne humeur habituelle refaisait timidement surface. Elle épousseta sa chemise de nuit, la poussière qu'y avait déposé la terre s'en soulevait en volutes dorées.
Et elle recommença à courir. Elle se rendait chez elle, pour être présentable lorsqu'elle irait annoncer à tous les Satowiens le départ de cette mystérieuse mais au combien attachante félys.
Sujet: La lettre 
