La tempête faisait rage autour des deux sorciers. Diane, confiante, marchait devant. SYL EWAN avait les sabots qui vacillaient sur la surface miroitante du pont d’argent. Après des semaines d’enseignements théoriques, de méditation et d’exercices de perception de la féerie ordinaire, l’enchanteresse elfe avait décidé qu’il était temps pour son apprenti de découvrir les rivages lointains, le pays des songes et de la féerie profonde.
Jamais le cartomancien n’aurait imaginé pareille épreuve ! Pour lui féerique était jusqu’alors synonyme de douceur printanière, d’illusions, de petits êtres merveilleux et de beauté…
Regarde l’évidence ! Regarde le monde tel qu’il est en réalité ! L’illusion est dans la vérité que tu avais faite tienne jusqu’ici !
Le centaure était terrifié ! Les couleurs tourbillonnaient se mêlant aux sons dans un maelstrom de vibrations et de chatoiements auxquels il était de plus en plus difficile de résister ; la folie guettait !...
Les deux mages avaient franchi la porte des mondes et longeaient scrupuleusement le pont d’argent qui menait au cœur de la féerie de plus en plus lointaine. Ils ne devaient quitter sous aucun prétexte le chemin miroitant au risque de se perdre. Plus ils avançaient, plus les instincts primordiaux du centaure remontaient à la surface ; menaçant à chaque instant de le submerger.
Les arbres semblaient gigantesques et se penchaient sur lui pour murmurer des secrets. Le vent portait la caresse de mille femmes. Diane semblait resplendissante ; sa chevelure coulait en cascades liquides et ondulantes sur ses épaules, son regard brillait d’un feu émeraude, le moindre de ses pas était une danse !... SYL EWAN, lui-même semblait différent. Plus vigoureux, plus fort ; son sang bouillonnait !... Physiquement, il était comme devenu le parangon de lui-même et mentalement, la pensée se dérobait en lui ne laissant la place qu’à des émotions brutes, des perceptions, la quintessence !...
Il voulait crier, fuir à toutes jambes dans une course folle, se jeter dans le vide pour tout oublier !
Contre son cœur, une vive douleur le saisit, une rose noire à la corolle un peu triste enfonçait ses épines dans sa peau. Dans un geste de colère grégaire, il lança la fleur au loin ! Il l’entendit hurler de terreur alors qu’elle se mettait à grandir en un buisson de douleurs pleurant des larmes de sang ! Un stolon épineux se lança en avant, accrochant de désespoir les membres du sorcier qui se sentait happé en dehors du chemin de lumière. Dans l’éclosion de chaque fleur, SYL EWAN reconnaissait le visage de Faucon qui l’appelait à l’aide !...
Envoûté…
Je viens mon amour !...
Il grognait presque et le buisson buvait le sang sacrifié du centaure qui allait s’endormir pour la dernière fois contre celle qu’il aimait. Alors que la douceur de la mort approchait, il se sentait enfin en paix…
Et le tumulte reprit !
En se jetant en avant, Diane l’avait arraché à l’étreinte de la créature née de sa propre passion !
Il se réveilla essoufflé comme s’il avait couru pour rentrer vers le monde de la raison, pour fuir ce que ses rêves et ses désirs recelaient comme horreur.
Il n’avait rien vécu ! Rien du tout ! Tout allait parfaitement bien ! Il ne savait pas pourquoi Diane n’était plus qu’une coquille vide…
Il retourna à Satowa, refoulant ce qui s’était passé. Il avait entendu un signe, il devait rentrer, plus rien ne le retenait ici !
Sujet: Graine de folie