Danse avec la mort

Nombre de messages : 108 Localisation : Kedrok Date d'inscription : 25/03/2007

Médusée, Mirage regarda tour à tour Aravis puis Caroline les yeux ronds comme des billes, ne prêtant pas toute l'attention qu'elle aurait voulu à Luminus qui se montrait toujours aussi affectueux avec elle.
Comment pouvait-elle acquiescer à des méthodes aussi dangereuses ?
La zone sensible de sa nuque la picota de nouveau la prévenant d'un danger imminent. Pour elle il ne faisait aucun doute que manipuler la magie de la sorte n'avait rien de bon, mais elle se tut et fini cul sec son verre, puis de la main en commanda un autre à la serveuse qui passait à côté d'eux, elle lui glissa discrètement.

Plus corsé le prochain s'il vous plait !

La serveuse embarqua le verre vide en souriant, et Mirage se fit toute petite sur sa chaise en espérant que le ton finirait à la plaisanterie et qu'ils changeraient vite de sujet.

Le jeune centaure les regarda une à une, lentement, toutes les trois... Il s'attarda sur la plus jeune de Satowa, l'observant en train de dissimuler son angoisse derrière l'alcool...
La peur qu'il avait chassée de son coeur se transformait en mépris et en cruauté au contact de celle que Mirage laissait transparaître.

Ce n'est pas la première fois que je te vois ainsi!... Je n'ai pas l'habitude d'enrober mes actes et mes paroles de miel; au contraire si je peux choquer, provoquer, je ne m'en prive pas!...

La magie te fout la frousse?

Son regard s'était fait plus perçant.

Elle est l'inattendu?
Ce que tu ne peux pas contrôler?
Ce contre quoi tu n'as pas encore trouvé de moyen de te mettre en sécurité?

Il parla d'une voix plus sifflante.

Moi c'est ta peur que je n'aime pas et en qui je n'ai pas confiance!...

Il reposa son jeu de cartes.

Je l'ai sentie dès les premiers instants!...
Je ne suis pas Aravis, près à lever mon glaive pour te protéger!...
Je ne suis pas Caroline, je ne te proposerai aucune épaule pour que tu puisses continuer à boiter!
Tu ne trouveras aucune sensiblerie, aucune complaisance auprès de moi!...
Par contre je peux être un miroir... En me cotoyant tu percevras une image de toi... J'espère que chaque regard que tu porteras sur toi-même ne te laissera pas indifférente!... Ce que tu fais de cette image de toi ne m'appartient pas...

Il reprit de façon un peu rituelle ses cartes en main...

Ta peur, tant qu'elle te domine, est un danger bien plus grand que la vérité dissimulée sous cette carte! Mais si elle t'effraie tant, tu disposes de dizaines de moyens très variés pour ne pas t'y confronter! Tu sais faire ça très bien n'est-ce pas?

Arrête de percevoir le monde sous le filtre de ton triste passé, chaque instant est neuf!

Ce qui se passe aujourd'hui est peut-être sans conséquences... Peut-être pire?...

Au fur et à mesure qu'il déversait son fiel, il se rendait compte qu'il se comportait froidement, sans la moindre compassion... Son ton s'adoucit...

Lorsque tu es venue à mon aide, je suis convaincu que la peur n'était pas ta conseillère... Pourquoi craindre plus cet instant?

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D'abord surprise, puis mal à l'aise d'être devenue le centre de tant d'attentions aussi dures soient-elles, Mirage accueillit le flot de paroles moralisateur du centaure les sourcils froncés, sans rien dire.
De quel droit se mêlait-il ainsi de son ressenti !
Ces airs prétentieux et cruels à titiller sans aucun ménagement les zones les plus sensibles de son être la piquèrent au vif !
Grinçant des dents à chaque parole plus hermétique les une que les autres, elle ne ressentit que déception et colère. Non seulement ces mots lui paraissaient injustes, mais quand il prononça les noms d’Aravis et surtout celui de Caroline son sang ne fit qu’un tour.
Bien que le ton de la dernière phrase se fit plus doux, la jeune Félys n’oublia pas les paroles blessantes, se releva d’un bond, claquant son verre sur la table. Son visage avait viré au rouge et son regard brûlait d’une expression qu’on ne lui avait encore jamais vue.

Tu as fini ?

Sans attendre de réponse, elle le gifla froidement avant de lui rétorquer.

Oui j’ai peur ! Oui le passé reste ancré en moi au plus profond de ma chair et me poursuit chaque jour !
Je n’ai pas la prétention d’avoir en effet ton insouciance en jouant tel un gamin avec des pouvoirs qui je suis sure te dépassent !
Te faudra-il une corde autour du cou à toi aussi pour enfin réaliser la gravité de certaines choses !!!

Elle était excédée.

Quant à ton intolérance, ton mépris, et oser croire que je ne suis présente que dans le but de me servir d’Aravis, de Caroline ou des autres membres du Clan….

Sa voix trahissait la peine qu’elle avait ressentie

De clamer que je ne suis parmi vous que pour « prendre » et me cacher ! Et bien si c’est vraiment ce que tu penses de moi, peut-être faudrait-il mieux que je parte…que je quitte le Clan !
Je m’en voudrais vraiment d’être une souillure se reflétant dans le miroir sans tâches du tout puissant Syl Ewan !

Les larmes commençaient à poindre aux bords de ses yeux, mais les poings serrés elle se contrôla pour éviter de les montrer.

Le centaure encaissa la gifle!

Physiquement, son corps marquait déjà et son visage avait l'air défait sous l'impact de la hargne de Mirage... Mais pourtant, il semblait impassible; du moins, c'est ce que témoignais son regard...

Il ne dit rien... Laissant un silence lourd de sens s'imposer au sein du quatuor. La petite felys avait été le miroir que le cartomancien se réclamait d'être! Certes moralisateur, certes sans doute lui-même assez effrayé pour refuser d'accepter la peur de la jeune prêtresse qui lui rapellait la sienne

SYL EWAN se mit à sourire gentiment aux deux elfes puis regarda Mirage plus intensémment encore... Sans cesser de sourire... D'un sourire qui pour une fois n'avait rien de goguenard; tout juste peiné, peut-être?...

Les lèvres du sorcier bougeaient à peine mais d'un seul coup un rictus de douleur marqua ses traits! Les doigts de Mirage se firent encore plus marqués sur sa joue!

Se remettant à peine, ses lèvres recommencèrent à murmurer.

Comme si une troisième gifle venait de le frapper avec encore plus de force que les précédentes, du sang coula doucement des capilaires explosés sous l'impact!

Il arrêta à nouveau son incantation et s'appréta à recommencer alors qu'une goutte de liquide carmin venait tâcher la table de la taverne.

Ma peur, ta peur...
Ma violence, ta violence...
Ma violence... Ma violence... Ma violence... Ma violence!...

AAAAHHHH!!!!!

Cette fois-ci, il trébucha et s'effondra alors que ses lèvres continuaient à murmurer et que des larmes brulaient sa joue meurtrie...

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Mirage ne sourcillait pas et restait campée sur sa position malgré l’intimidant personnage qui lui faisait face.
Qu’elle ait pu se faire mal traiter par d’autres dans le passé, elle l’avait supporté tant bien que mal, mais là, elle ne pouvait plus.
Après tout elle n’était plus la petite Félys rejetée par les villageois, elle se battait à présent à leur côté, poursuivant leur idéal.
Il n’avait pas le droit de la traiter ainsi !
Elle était prêtresse de Satowa désormais, elle faisait ce qu’elle pouvait avec ces faibles moyens. Elle n’endurait pas les coups, la douleur et la mort pour se faire rabaisser de la sorte par le premier petit « coq » venu aussi renommé soit-il.
Bien sur il était plus puissant, plus estimé par les membres du Clan qu’elle ne le serait peut-être jamais, mais rien dans les paroles de Syl Ewan n’avait été prévenant et courtois et elle ne méritait pas ça.

Elle n’était pas fière de l’avoir giflé, mais ce fut plus fort qu’elle.
Peut-être même que si cela avait été un autre, pas un membre du Clan, elle aurait dégainé son épée. Non pas à cause des paroles la concernant, mais à cause de celles qu’il avait prononcé mettant en cause la douce Caroline et la gentille Aravis. Elle avait eu le sentiment d'être mise au rang d'animal de compagnie.

Elle s’attendait à une multitude de réaction de la part du cartomancien, de la colère, de la violence, du dédain, mais pas du tout à ce qu’elle était en train d’observer chez le centaure.
Il souriait sans joie. Puis ses lèvres se mirent à bouger, il semblait murmurer quelques choses d’inaudibles.
Elle frémit en repensant à son père qui incantait sur sa chaise, la corde au cou.
Ses muscles tendus sur l'offensive se contractèrent sur la défensive, et tout son corps se mit en retrait.
La trace de sa main devenait de plus en plus voyante entre les mèches brunes de l’homme, de plus en plus pigmentée.
Elle continuait de le fixer, les yeux grands ouverts, effrayée.

Pourtant quand une goutte de sang perla de la tempe de Syl Ewan pour s’écraser sur le bois de la table, pendant une fraction de seconde elle sourit. Le bout de sa langue caressant la pointe de sa canine, ses pupilles avaient étincelée d’un rouge vif, puis c’était soudainement effacées pour redevenir dorées et son visage reprit cette expression angoissée.
Quand il cria, tout son corps trembla de peur, elle se retrouva en instant dans le corps de cette petite fille étendue dans l’herbe, qui dans le dos de sa mère en larme observait un homme qu’elle avait cru être son père.

Elle recula d’un pas franc, bousculant sa chaise, la table, son verre dont le reste de liquide ambré se rependit sur le sol.
L’homme s’effondra, mais elle resta à bonne distance, le cœur battant à tout rompre, en se mordillant le pouce nerveusement.

Aravis s'était retenue de dire quoi que se soit lorsque le centaure et la félys commencèrent à discuter. Elle se dit que cela aurait été inutile d'intervenir, enfin, pour le moment. Elle but tranquillement regardant Luminus qui observait Mirage. Elle écoutait la conversation d'une oreille, toujours attentive au ton grandisant de la discussion.

Puis, la gifle se fit entendre. Le petit singe vint se positionner sur l'épaule de sa maîtresse. Aravis les regarda tour à tour. Elle espérait que la situation ne se transforme pas en période de combat. D'un coup, Syl se retrouva sur le sol.

Aravis fit tomber sa chaise en se levant. Non qu'elle fut surprise par la réaction du centaure, mais par son état. Le sang coulait sur son visage. Pourtant, Mirage ne l'avait pas giflé très fort. Luminus regarda la félys et remarqua quelque chose dans son regard de très animal et de terrifiant, pendant à peine 30 secondes. Il voulu prévenir Aravis en lui tirant l'oreille, mais tout ce qu'il eut comme réponse fut une petite claque sur la tête.

"Ce n'est pas le moment Lum. Il faut trouver un moyen l'aider Syl. Caroline, il faut faire quelque chose, vite !"

Aravis se sentait tellement impuissante dans ces moments. Le peu de connaissance de la sorcellerie qu'elle avait ne lui permettait pas de venir en aide à Syl. Elle s'acccroupit près du centaure, espérant pouvoir lui offrir son soutien, même sans magie ou sort.

Elle entendit Syl continuer à parler, mumurant même. De quoi parlait-il ? Peu importe, il fallait qu'il sorte de cette état et vite. Aravis déchira une pointe de son vêtement et voulu essuyer le visage de Syl. Elle pensa que c'était probablement la seule chose qu'elle était en mesure de faire.

[attendez-moi avant de continuer, je vais répondre ce soir sans doute study

]

Caroline avait assisté à l'échange entre Syl et Mirage sans prononcer un mot, sidérée par leurs paroles.

Mais qu'est-ce qui leur prenait ?
Pourquoi Syl provoquait-il ainsi la félys ?

Espérait-il lui faire oublier sa peur en la remplaçant par la haine ? Il n'était pas loin de réussir si on se fiait à l'expression de Mirage.

Mais pourquoi la blesser ? Sa peur ne s'envolerait pas ainsi, ni son passé.
La prêtresse aussi cherchait à empêcher la félys de vivre dans un présent entaché par ce passé. La vie est trop courte pour se retourner sans cesse en arrière. Néanmoins elle était intimement persuadée que la douceur seule pourrait appaiser l'âme tourmentée de Mirage.
Syl espérait peut-être qu'elle se libère de ses ressentiments...

La giffle retentit dans la pièce. Mirage haletait, les poings désormais serrés tandis que Syl relevait lentement son visage vers elle. Il souriait...
Sans doute pensait-il avoir réussi.
La marque des doigts de la félys s'intensifia, virant lentement au pourpre. Le sorcier murmurait un flot continu de paroles incompréhensibles et presque inaudibles. Il incantait.
Le sang se mit à couler sur sa peau, se mêlant aux larmes qu'il versait.
Pour la deuxième fois de la journée, il s'effondra et Caroline se retrouva agenouillé à ses côtés. Aravis épongeait déjà le sang sur sa joue. La prêtresse incanta à son tour, sa voix claire couvrant celle de Syl et la plaie se referma. Presque immédiatement elle se rouvrit, le cantaure continuant à psalmodier. L'elfette pressa sa main sur la joue, un filet de sang coulait à travers ses doigt blanc, les tâchant.

"Syl ! Mais qu'est-ce que tu fais ? Arrête !"

Nombre de messages : 108 Localisation : Kedrok Date d'inscription : 25/03/2007

Comme l'on pouvait s’y attendre, les deux elfes répondirent présentes quand un nouveau malaise fit chanceler leur ami.
Entre les bras et les cheveux pêle-mêle qui lui faisait face, la Félys pouvait apercevoir dans l’ombre les mouvements réguliers des lèvres du centaure. Manifestement sa faiblesse ne l’empêchait pas de murmurer, ce qu’elle pressentait automatiquement comme des incantations maléfiques.
Un bruit de vêtement que l’on déchire la sortit de sa contemplation malsaine. Aravis venait d’entailler sa tunique pour essuyer le sang qui suintait abondamment sur sa joue.
Puis ce fut au tour de Caroline d’incanter. Une aura douce et lumineuse se dégageait de son corps, laissant les plus fins de ses cheveux se soulever de façon aérienne. Elle essayait de soigner la blessure, une broutille pour une prêtresse de sa qualité, mais quand Mirage vit la plaie se remettre à saigner, son épine dorsale la titilla.
La peur l’envahissait de plus en plus, noircissant ses pensées, la renvoyant toujours plus dans le passé. Elle n’avait aucun contrôle sur cette peur et en cela le cartomancien avait vu juste. Elle eut soudain l’envie de fuir les lieux, de quitter la salle à toutes jambes pour ne plus éprouver ce sentiment si présent, mais à sa grande surprise, elle ne put faire un seul pas. Ses jambes refusèrent de lui obéir.
Paniquée, elle saisit ses cuisses à deux mains, essayant de les tirer, de les faire bouger, et se plaignit à elle-même.

Mais ?! Mais bon sang qu'est-ce qu'il m'arrive ?!!!

Depuis qu'elle avait quitté la table, Faucon était en poste au comptoir, presque à l'affut, cherchant le moindre signe d'une quelconque possession. Elle avait commencé par vouloir se rendre utile en faisant un peu le service, mais elle s'était résignée à arrêter. En effet sa main commençait à trembler un peu plus que d'ordinaire, ce qui était plutôt mauvais signe.

Que le centaure se cré des inimitiés, pourquoi pas. Elle n'était pas sa mère, elle n'allait pas le gronder parce qu'il parlait mal ou disait quoi que ce soit d'impoli. Qu'il se prenne une gifle en retour, cela ne la concernait pas plus. Etant trop éloignée pour réellement entendre les conversations, elle ne savait guère ce qui avait entraîné cet excès de violence, mais, connaissant l'animal et son non-tact légendaire, il l'avait probablement mérité.

La suite était plus inquiétante, Caroline ne parvenait à le soigner et le cri du centaure raisonna dans la salle laissant quelques instant un grand silence planer. Si la prêtresse ne pouvait rien, que pourrait-elle apporter, elle? Au milieu de la salle, figée et incapable de prendre une décision, elle maudissait sa faiblesse, son incapacité à aider ceux auquels elle tenait, et cette fichue main qui n'avait de cesse de trembler à cause du manque.

SYL EWAN serra les dents; interrompant par là le flot de ses litanies silencieuses et laissant couler en abondance ces larmes qui ne venaient pas du domaine connu de sa conscience.

Je romps le cercle, Caroline! Le cercle de la peur, de la peur qui mène au jugement; de ce jugement qui mène à la haine...
Merci pour ton aide!... Ce n'est que de la douleur physique... Il y a ici des choses bien plus graves à diagnostiquer!

Il se releva très doucement, sans se brusquer, en prenant appui sur ses amies et s'essuya le visage trempé avec le morceau d'habit de la guerrière.

Aravis, chef, si tu arraches tes vêtements à chaque fois que je me fais gifler, je vais bientôt devoir t'offrir à toi aussi une nouvelle garde robe!...

Ça allait déjà mieux... Dans la tête tout au moins...

Très bien... Pouvons-nous reprendre?

Le centaure reprenait son souffle en tout cas... Avant de reprendre la parole et d'afficher à nouveau ce regard froid!... Cette aura que, seuls les sorciers et des années de maîtrise du pouvoir peuvent déployer!...

Notre "petite discussion" avec Mirage nous a permis de nous passer pour l'instant de toute magie divinatoire... C'est tellement mieux ainsi!...

Un peu d'ironie...

Je n'ai aucune certitude. Je ne sais pas de quoi il s'agit mais j'ai la sensation d'avoir perdu quelque chose... Et le retrouver semble à la fois nécessaire et terrifiant...
Voilà la source de la souffrance, du conflit!
Ce qui se passe ne me plaît pas! Je me sens prisonnier de geôles invisibles et je n'aime pas ça! Je me suis un jour endormi dans ce genre de sensations et nous savons tous deux où cela peut mener? Hein Caroline?

Il regarda Mirage qui semblait paralysée avec un air un peu lointain ; un regard qui allait au-delà d’elle.

Je veux débusquer ce qui se cache ! Car aucune de vous n’est dupe au point de croire qu’il n’y a pas la moindre corruption à l’œuvre ici ?

On le sait tous, le chemin de la lumière n’est pas une voie facile… Il n’est pas la route du plaisir ; encore moins un refuge ! Dés lors que l’on allume une lueur, l’ombre n’est jamais bien loin ! Le terme chemin est d’ailleurs bien mal choisi puisqu’en réalité, rien n’est tracé.

Son regard se fit plus rassurant pour la felys; le silence sembla dire: "laisse couler et écoute, c'est l'unique solution"; et il continua.

Tu sais que dans ce qui vient de se passer que nous n’étions ni toi ni moi dans la lumière n’est-ce pas ? Je me suis vu et je me suis trouvé très laid… La peur, le désir, les idées toutes faites !... tout cela ne conduit qu’à la nuit, à la confusion et à la souffrance… A faire de nous des agents de Tanedhel, malgré-nous et nos « bonnes intentions ». J’ai été possédé par une créature des ténèbres uniquement parce que je lui ai laissé suffisamment d’ombres pour croître en moi.

Alors ? Est-ce que la compassion de Caroline et le bras protecteur d’Aravis peuvent nous aider nous qui sommes corruptibles ? Je crois qu’une seule et unique source de lumière peut nous aider. Lorsqu’elle brille, elle ne répand aucune ombre… On lui donne le nom de VERITE ! Pas de cette vérité que nous croyons tous orgueilleusement posséder, mais cette vérité qui transcende et apporte…

Il regarda discrètement derrière le bar…

Nombre de messages : 108 Localisation : Kedrok Date d'inscription : 25/03/2007

Mirage continuait de fixer ses jambes. Cette sensation inhabituelle de devoir se concentrer pour simplement les faire bouger à nouveau mobilisait toute sa concentration.
Elle ne comprenait pas.
D’habitude quand la peur la saisissait elle était capable de courir comme le vent, au-delà de ses forces. Jamais ce sentiment ne l’avait tétanisé auparavant. De plus, seule la partie inférieure de son corps ne lui obéissait plus, ce qui n’était pas logique. Son esprit décortiquait les faits en espérant comprendre, mais mis à part l’utilisation d’un sort à son encontre elle ne voyait pas.

Etrangement, quand le centaure se releva aidé par les deux elfes, affichant que la crise n’avait été que passagère, les muscles figés de ses jambes se détendirent comme si le spectacle de la souffrance de cet homme achevé l’avait libéré, comme si on avait voulu qu’elle en apprécie la vision jusqu’à la dernière seconde. Pourtant aucun sentiment de plaisir ne l’avait parcouru, bien au contraire. Juste …de la peur…juste l’envie d’être ailleurs.
Est-ce que l'arrêt du mouvement des lèvres de l’homme étaient la raison de sa liberté de mouvement retrouvée ?

Elle se détendit peu à peu, se concentrant cette fois-ci sur les battements affolés de son cœur, cherchant à réfréner sa course libre et retrouver enfin son calme. Les premières paroles résonnèrent comme un bruit lointain, puis peu à peu le retour, la prise de conscience des autres la ramena aux évènements. Elle regarda la scène qui lui faisait face, un goût amère au fond de la gorge, tout en laissant ses oreilles s’imprégner du discours de Syl Ewan.

Tant de fous, tant d’inconscients manipulent l'ombre qui les habitent sans penser aux conséquences. En regardant les mines inquiètes des deux femmes qui l’entouraient de toute leur bienveillance, elle le trouva bien plus égoïste encore.
Il manipulait les choses sans se soucier du ressenti de ses proches, sans sourciller à la détresse que l’inquiétude avait déclenché ses actes auprès de ses amies. Tel un enfant qui ne prend pas conscience de sa propre cruauté mais qui pleure en se heurtant à celle des autres.
Toujours silencieuse, elle fit quelques mouvements sur place, frotta ses cuisses qui lui parurent engourdies, puis laissa le cartomancien déverser encore son flot incessant de paroles.
Il semblait si sur de son savoir qu’il en devenait presque arrogant.

Mirage avait vécu, senti, ressenti sa propre peur, elle l’avait traversé le jour de la mort de son père quand dans ses yeux jadis si doux et aimants elle avait croisé le regard d’un étranger. Son amour filial ainsi trahi justifiait ses craintes, son besoin de reconnaissance, d'affection et d’être respectée. Elle finit par répondre d’une voix assez glaciale.

Je ne vois pas comment il serait possible de se "réfugier" dans un chemin de lumière ?
Chaque chemin entreprit a son lot de contraintes, de souffrance, de dépassement de soi. Il n’y a de refuge que dans le refus de suivre ou prendre un chemin. Le choix de la facilité en somme.
Ce n’est pas la voie que j’ai choisi quoique tu en penses.
Bien que je n’éprouve aucune fierté à t’avoir giflé, je ne me sens pas pour autant plus laide de l’avoir fait. On ne peut passer son temps à laisser les autres vous nuire, ne serait-ce qu’en paroles…ce qui bien souvent est plus blessant que les actes.
Tu as voulu jouer la provocation, tu as voulu m’entraîner dans les ténèbres que tu sembles affectionner, j’ai juste pris la décision, certes brutales, de ne pas te suivre !

Elle redressa la chaise qu’elle avait bousculée et continua...

Tu te regardes et t’observe sans cesse dans ton propre miroir, mais t’es-tu au moins rendu compte des visages qui t’entourent ?
As-tu lu dans leurs yeux les sentiments tristes que tu leur imposes par tes actes ?
Quand je t’écoute, je me demande si tu as compris le sens même de ce qu'implique le fait de vivre ?
Tu sembles fort de théorie mais le masque de joie, de clown ou de tristesse que tu affiches ne trompe personne. J'ai au moins l'honnêteté d'afficher ce que je suis, même si j'aspire à être mieux.

Si tu te trouves si laid, regarde toi dans les yeux de ceux qui t’aiment et t’estiment au lieu de regarder ton reflet dans la surface froide d’un miroir où enfin de compte tu sembles incapable de te voir.
La vie est faite de peurs, de peines, de joies, de désirs, c’est ce qui fait que nous sommes des êtres si intéressants. Je ne vois pas où est le mal !
Nous avons tous en nous la capacité de tendre vers l’ombre ou la lumière. Il y a d’ailleurs des jours où nous sommes les deux je pense. La compassion de Caroline et d’Aravis m’aide à trouver une certaine forme d’équilibre. Elles représentent pour moi la lumière à suivre, et pourtant elles aussi portent une part d’ombre en elles. Je pense que je crains autant le chemin de lumière que celui de l’ombre, et ceux qui pensent que la peur est mauvaise et peut-être vaincue sont bien loin du chemin de "vérité" auquel tu crois ! La peur, le doute, les choses qui nous empêchent d'avancer sont aussi des bienfaits qui nous permettent d'évoluer. Que serions-nous sans cela ?

Elle redressa son verre et jeta quelques gopis sur la table, avant de mettre son sac sur son épaule.

SYL EWAN haussa imperceptiblement les épaules... Incapable de se défaire de la lassitude qu'il éprouvait... Au moins son corps, lui, lui rapellait qu'il n'aimait pas être malmené.

Ses yeux restaient absorbés par l'image de l'elfe à la chevelure écarlate qui s'activait derrière le bar et ses pensées flottaient, vagabondes...

Langage de sourd que tout celà! Jugements et complaisances étaient les deux faces d'une même attitude de refus de ce qui est!

Peut-être devrait-il l'écouter vraiment?!!
Peut-être devrait-il accepter que son "altruisme" puisse essuyer le rejet de l'autre?!!

En tout cas, le centaure était certain d'au moins une chose: il n'avait pas/plus envie de jouer avec la felys; toute son énergie était requise pour élucider les raisons de son malaise derrière la taverne!

Il lui fit un sourire un peu forcé, mi gentil mi déçu...

Belle intuition, Mirage! J'allais justement faire usage de magie! Visiblement tu sembles avoir retrouvé assez de confiance en toi pour te lever et refuser les pratiques qui te blessent!

Et comme il ne savait pas comment mettre fin au conflit, il lança sur un ton aimable et posé un:

Bonne journée, Mirage.

Le sorcier se concentra sur son jeu de cartes et ses yeux prirent un teinte lavande.

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Et bien soit, qu'il joue si sa vie n'a de sens que dans le risque de se perdre se dit-elle. Elle leva les yeux au ciel, sourit à Caroline et Aravis et prit sa cape sous la main.

Et bien bonne soirée à tous...je vais me coucher.
J'espère à ma prochaine visite pouvoir profiter plus amplement de votre compagnie les filles.

Elle serra son manteau encore mouillé contre elle, passa devant le bar, sourit chaleuresuement à Petitfaucon qu'elle n'avait pas encore vu, puis se dirigea vers l'escalier menant aux chambres d'un pas fatigué. L'idée de se sentir ainsi rejetée par l'un des membres l'amenait à de tristes sentiments, mais après tout elle ne pouvait pas être aimée de tout le monde.

Etrange... Mirage semblait presque triste que le "combat" soit terminé; presque triste, oui... SYL EWAN lisait des choses funestes dans la démarche fatiguée de la félys et tandis que ses yeux et ses incantations appelaient la lame du tarot, il déplorait secrètement le tournant violent qu'avait pris leur échange. Discourir lorsque les signes employés ne sont pas communs semble vain et pourtant?... N'est-ce pas cette différence qui fait la richesse?...

Il fallait rétablir le silence ! Caroline et Aravis, plus sages l’avait compris…

Après le bruit de leurs pensées trop soucieuses de crier de plus en plus fort leurs idées, leurs pulsions et leurs malaises pour accepter d’entendre l’autre, ils connaîtraient bientôt l’origine de cette peur qui, comme ré pulsée par la peur de Mirage, avait sorti les crocs de la colère et avait lancé la bataille !...
La magie Kooseren avait cette capacité de révéler les choses invisibles... La vérité !... Pas celle de SYL EWAN, pas celle de Mirage ! Juste CE QUI EST et que nos sens aveuglés n’acceptent pas de percevoir.
Toutes les émotions, les opinions, les goûts et les sentiments font partie de la vie ; en cela, la prêtresse et le sorcier semblaient d’accord et pourtant cet accord ne semblait pas suffisant… C’est sur cette insuffisance, sur le fond, que les deux individus semblaient réellement diverger… C’est ici qu’ils pouvaient devenir un miroir l’un pour l’autre !... Qu’ils auraient pu devenir un miroir l’un pour l’autre si leur propre orgueil et leurs propres émotions ne les avaient pas mis dos à dos !...

La douleur sur sa joue était toujours cuisante. Il avait envie de parler mais une boule se noua dans sa gorge. Il retourna la carte

Danse avec la mort - Page 2 18_Major_Moon-1

Un frisson le parcouru...

La Lune... Elle est la carte des illusions...

La voix du centaure marqua la surprise.

Si je vais plus loin dans mon sortilège nous risquons de voir exposer ici nos plus vives angoisses... Parfois, CE QUI EST peut réveiller des douleurs que nous avons patiemment enfermées au plus profond de nous... Je ne voudrais pas vous faire prendre part à une aventure que vous ne désirez pas... Nous avons tous de lourds secrets et si ceux de Mirage étaient à fleur de peau nous pouvons, quant à nous, les avoir dissimulé très loin en croyant ne jamais les voir ressurgir.

Immobile... Inutile... restée déconnectée elle avait observé la fin des échanges, et le départ de Mirage. Elle l'avait saluée sans même y penser.
Ce fut lorsque le centaure tira une lame que l'elfe ressurgie, sa curiosité en tête. Cela, s'était un truc qu'elle connaissait. Les chemins obscurs qu'il prenait était souvent étonnant, et l'inconnu la rassura étrangement. Il n'y avait pour l'instant rien d'acquis, à part cette carte qui avait un sens pour le cartomancien, et la présence autour de lui des deux elfes qui étaient ses consoeurs. Une pensée l'assaillait sans cesse; ' mais que fais tu donc là, en plein milieu, bouge!'

Elle croisa les bras, en partie pour dissimuler sa main tremblante, en partie pour raffermir ses choix. Ses pas la portèrent vers la tablée, où elle s'assit avec un drôle d'air de défi surtout dirigé contre elle-même. Elle éprouva un étrange sentiment de malaise à se retrouver ainsi face au centaure, comme au tout début.

Depuis le départ, elle s'était écrasée sous une inutilité et une faiblesse latente. C'était vrai, et alors? Avait elle à être utile à qui que ce soit? L'idée de se prendre en pleine figure ce coffret d'angoisse consciencieusement enfermé au fond d'un puit d'ombre, et qui avait commencé à pourrir, paraissait assez effrayant. Mais l'acidité de son contenu la rongeait déjà, alors....

" Je prend la charrue en marche, mais je la prend tout de même; j'aimerai continuer ce voyage avec vous
elle observa Caroline et Aravis, se demandant si elles aussi voulaient aller plus avant. Que nous révèlent tes cartes, cette fois-ci, Syl? "

Toujours les bras croisés, elle attendit sagement. Elle n'avait ni force colossale, ni puissance phénoménale. Mais, bon gré mal gré, elle était là, et c'était tout.

L'échange, ou plutôt le conflit, entre Mirage et Syl Ewan s'était enfin terminé.
Avec le départ de la félys. Caroline fut assez sage pour ne pas la retenir, elle irait la voir après, une fois qu'elle aurait fini d'aider Syl pour aller lui parler, lui expliquer et se faire expliquer certaines choses.
Malgré son départ l'atmosphère restait pesante.
Elle s'allourdi encore, non plus d'animosité mais de mystère, lorsque le centaure tira une carte.

A l'évocation de souvenirs profédément enfouis, son regard se perdit dans le vide. Des images s'imposèrent à elle, floues et vacillantes, et elle les repoussa sans peine. Elle les avait bel et bien enterré ces souvenirs. Pourtant elle pouvait encore les voir ressurgir, preuve qu'ils étaient toujours quelquepart en elle.
Et alors ? S'il reparaissaient elle n'aurait qu'à les renvoyer d'où ils venaient comme elle venait de le faire. Elle se persuada qu'elle y parviendrais sans trop de mal.

Faucon le devança en acceptant de continuer l'entreprise que Syl avait commencer, l'interrogeant du même coup sur le sens de la lame qu'il venait de tirer.
La prêtresse intercepta le regard du cartomancien et aquiesca d'un léger hochement de tête. "Je ne vais pas me désister maintenant, je vous accompagne. Bien que je ne sache pas vraiment où tout cela va nous mener, vous n'irez nul part sans moi."
Elle sourit au passage à Faucon qui comme elle ne semblait pas très rassurée. D'un même geste, elles tendirent le coup, essayant d'apercevoir plus précisément la carte que le centaure venait de sortir du jeu...

Faucon! Caroline! Elles semblaient avoir peur mais c'était l'incompréhension que le cartomancien lisait dans leurs yeux. Il n'avait pas été clair! Pas assez!

Ecoutez!...

Sa voix s'était faite insistante.

Le tarot est comme un voyage... Chaque carte est une étape porteuse de messages dont le "consultant" doit faire l'apprentissage. La lune est la dix-huitième station de ce voyage. Voici ce qu'elle signifie. Et par pitié faites un choix qui ne soit pas un: "pourquoi pas, Syl a besoin de nous, ses amies". Mirage a au moins reconnu sa terreur face à l’inconnu ! Aucune lame n’est innocente et la lune l’est encore moins !

Ecoutez ce qu’elle est !...

Le centaure ferma les yeux et quelques secondes plus tard de fines gouttelettes de sueur perlaient le long de son front barré de fronces inquiètes et concentrées. Il était comme en transe et les mots s'échappèrent de sa bouche.

Après avoir suivi l'étoile (l'arcane XVII), le fou voyage durant la nuit. La pleine lune se lève, illuminant pour lui un chemin liquide et argenté. Il commence à se sentir désorienté, comme s'il marchait dans son sommeil. Il passe sous la lune, entre deux piliers antiques et étranges. Soudain, il regarde autour de lui; il est ailleurs, il se trouve entièrement dans une autre terre. Quand il était en présence de la haute prêtresse (arcane II), il a vu des signes de cette terre sombre bien que le voile qui sépare les mondes soit drapé derrière le trône de cette dernière. Et plus tard, quand il pendait de l'arbre (arcane XII), il s'est senti entre le monde physique et l'autre monde: celui-ci. Maintenant, il est enfin passé derrière le voile. Voici les mystères qu'il a cherchés, au moins, voici les sombres mystères, ceux qui traitent des puissances les plus primales et les plus antiques; des puissances de nature, pas de la civilisation. C'est un pays que les poètes, les artistes, les musiciens et les fous connaissent bien; un endroit envoûtant et terrifiant avec des règles très différentes des nôtres. Les loups, hurlent en hommage à la lune, leur course est sauvage à travers cette terre, ils chassent aux côtés de demoiselles armées d'arc et de flèches; les créatures des cauchemars et de la fantaisie de l’enfance émergent des ombres avec des yeux rougeoyants. Le chemin sur lequel marche le fou est maintenant un fleuve, il se tient, de l’eau jusque la taille, dans le courant puissant de ces eaux salées et illuminées des rayons de Séléné. Il y a, sur le rivage voisin, un petit bateau, sans le moindre gouvernail, ni aucun aviron. Le fou réalise qu'il a seulement deux choix. Il peut se perdre dans cette terre désolée, s’abandonner aux forces primales, à la folie, à l'illusion, hurler avec les loups, être traqué comme un animal, ou il peut choisir de monter dans le bateau et faire confiance au fleuve. La lune sera aux commandes d'une manière ou d’une autre, mais dans le bateau, sa reddition aux puissances du monde de l’inconscient et de la nature l’entraînera au moins quelque part… Comme les artistes, les poètes et les magiciens le savent, l'inspiration, les visions, le génie, la magie de lune, sont les récompenses d'une telle reddition. Le fou entre dans le bateau, et pousse au large. Alors les eaux l’emportent au loin, les rayons de la lune éclairent son « chemin » et il sent la maîtresse de cette terre sombre poser son regard sur lui ; la grande prêtresse a un air d’approbation...

Le sorcier ouvrit brusquement les paupières, il tremblait de tout son corps. Il cherchait du courage dans les yeux de ses trois amies car dans les siens on n'y pouvait lire que la terreur

Etes-vous vraiment certaines de vouloir vivre cette épreuve? De vouloir faire ce choix?

Par pitié, dites non!
Le diable était un adversaire bien plus terrible! Pourquoi as-tu ainsi peur de l'eau dormante?

Faucon avait écoutée très sérieusement ce que disait le centaure. Elle n'y avait pas compris grand chose, et était restée concentrée pendant très longtemps. Elle avait fini par remarquer plusisuers choses. D'abord que les cartes avaient des liens entre eux, même si ce n'était pas important dans l'instant. Ensuite que ce qu'il proposait avec la lune c'était plus ou moins un voyage toute bride dehors, loin des illusions dressées, et qu'ils se dressaient eux-mêmes.

Aller vers la vérité, se la prendre en pleine figure, pas évident de faire le pas... Elle avait songé à tout ce qu'elle cachait à ses amis, tous ses secrets qui la harcelait sans cesse. Y en avait un paquet! De son passée jusqu'à tous ses agissements récents! Malgré tout elle n'avait jamais réussit à s'ouvrir complêtement, même pas à Caroline....

Son poing se serrait. Que faire? Etait-ce un risque, une douleur si grande de se voir présenter sous ses yeux et partager avec les autres ses pires tourments?

Son bras trembla plus violement encore et elle dessera l'étreinte. Elle était fatiguée de lutter contre elle-même. La lune lui apporterait-elle le repos? Non... d'autres doutes et réflexions sûrement... Mais celles ci seraient peut être moins inutiles. Elle avancerait dans la bonne direction au moins. Elle se tourna vers Caroline et Aravis, silencieuses, puis vers Syl, qu'elle observait sans mot dire, ni autre émotion visible que le doute, la fatigue et la tristesse.

" Folie ou non... Je suis d'accord de continuer."

Méfie-toi de l'eau qui dort ma chérie, ne l'oublie pas...

Ce conseil que son père lui avait donné revint à la surface de sa mémoire.
Syl était plus que mystérieux. Inquiétant. Mais attachant. Surprenant. Dangereux ?
Depuis son arrivée dans le clan, il avait toujours inspiré des sentiments divers et souvent contradictoires aux autres membres de Satowa.
La prêtresse le connaissait assez bien pour savoir qu'il ne leur ferait jamais de mal volontairement, à elle comme à Faucon, mais elle devait avouer que ses expériences n'étaient en général pas sans danger. Pour lui autant que pour ceux qui l'accompagnaient.

L'épisode du Diable lui revint lui-aussi en mémoire... Ca avait été éprouvant certes, mais au moins, elle savait où elle allait, ce qu'elle devait faire. SOn don lui avait permis de venir à bout du monstre qui torturait Syl. Cette fois-ci ce que proposait Syl était d'un genre totalement différent.
Un voyage vers l'inconnu, où les souvenirs pouvaient prendre vie. Les mauvais comme les bons pouvaient ressurgir. C'est du moins ce qu'elle avait compris de l'étrange discours du centaure. Tous seraient confrontés à leurs peurs, leurs désirs, leurs secrets... Serait-elle assez forte ?

Elle pensait pouvoir résister à ses peurs, mais serait-elle capable d'en faire autant pour ses désirs ? Si ses souvenirs le faisait apparaitre devant elle, saurait-elle résister ? S'arracher une fois encore à tous ses rêves brisés ?
Elle avait choisit la fuite il y a longtemps, la préférant à la folie ou à la mort. Que se passerait-il cette fois ? Lorsque la rancune, les remords, la rancoeur, les regrets, l'amour, la haine se matérialiseraient peut-être sous la forme des personnes qui lui inspiraient de tels sentiments ?
Lorsque sa volonté, le contrôle d'elle-même seraient sa seule bouée ?

De plus, si tous trois demeuraient ensemble dans ce voyage, devrait-elle affronter leurs démons ? Car à la vue des regards hantés de ses deux compagnons, les leurs étaient sans doute autant si ce n'est plus dangereux que les siens.
L'elfette eut un sourire étrange. Triste, désabusé, dépité. Elle s'était crue plus forte qu'elle-même. Plus forte que ses propores sentiments. Plus forte que le passé qu'elle pensait avoir enterré. Plus forte que la peur de l'avenir. L'avenir qui pour elle était synonyme d'imprévu.
C'est à ce moment là qu'elle se rendit compte que l'inconnu la faisait frémir de peur autant que de désir. Elle l'aimait et le redoutait à la fois.
Et elle en resterait à ce stade si elle refusait la proposition de Syl.

Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort...

Encore un vieux proverbe de son père. De tout son coeur elle souhaitait revenir cette aventure, revenir en bonne santé morale et physique. Et que ce voyage lui permette enfin de dominer ce qui la dépassait encore.
Peut-être n'en tirerait-elle que des désillusions ? La découverte qu'elle avait toujours été et serait toujours esclave de certaines choses qui lui resteraient à jamais hors de portée ?
Au moins serait-elle fixée et pourrait-elle commencer à accepter cet état des choses.

"Je continue aussi, dit-elle d'une voix aussi ferme que possible.
Pour moi, pour moi... " ajouta-t-elle dans un murmure.

Le simple fait d'accepter de faire face à ce qui l'attendait sans en connaître la nature était déjà une petite victoire en soi. Elle releva un visage où la détermination était facilement visible, empreinte au-milieu d'une foule d'autres sentiments...

Il savait que ça tournerait mal ; il ne voulait pas assumer ce choix… Quelque chose en lui hurlait : « sauve-toi ». Mais il débuta le rituel presque contraint par la décision ou le silence des trois elfes.
Le sorcier ferma à nouveau les yeux, se laissant gagner par les flux de mana qui lui obéissaient avec de moins en moins d’efforts à mesure que son talent grandissait.

Les contours de la lame de tarot se firent plus flous, jusqu’à disparaître entièrement. La luminosité de la taverne décrut de façon parfaitement perceptible alors qu’une lueur blafarde remplaçait petit à petit la lumière du jour. Une forte odeur de vase et une ambiance de marécage vinrent remplacer la convivialité de l’espace de rencontre des Satowa. Enfin, lentement, très lentement alors que la réalité s’effaçait, un liquide sombre montait par les interstices des lattes du plancher.
Déjà, ses sabots étaient mouillés, il fut pris d’un frisson ; pas seulement à cause du froid qui s’immisçait sournoisement en lui…
L’eau continuait à monter et avec elle, la peur… Plus rien n’était secret désormais !

SYL EWAN et Faucon étaient enlacés dans la demeure de Kradoc. Rien ne pouvait se mettre en travers de ce qu’ils vivaient, de cette union, de cet amour. Un instant, juste un instant sans penser, juste vivre le partage de soi avec l’autre… Et puis… Quelque chose était arrivé !... Une ombre... Et puis le désir… Que cela ne cesse pas… Que cela puisse exister à nouveau… Que cela puisse être meilleur encore !... Les promesses faites à soi-même… Les heures de labeur avec Diane dans l’unique espoir d’exaucer son vœu le plus cher… Connaître le plaisir de lui faire l’amour sans cette barrière physique qu’il avait fini par détester alors que, lorsqu’ils s’étaient aimé, elle n’avait pas compté !...

Maîtriser les pouvoirs de Jolomasin, la graine de la féerie et des elfes, la graine du rêve surtout, celle qui fait vivre les désirs. Il avait été brillant lors de son initiation ; trop sans doute…
Plaisir, désir, orgueil…
Faucon l’attendait en dehors du chemin lors de son voyage en féerie profonde et il n’avait plus connu que la PEUR et la souffrance ! Il ne s’agissait plus de l’elfe qu’il avait aimé mais du reflet de ses propres pulsions boulimiques qui l’appelaient pour le dévorer ; l’objet de son désir voulait le prendre et l’asservir ! Il était déjà un esclave en fait et ça le terrifiait !
Diane était venue à son secours, avait cherché à l’arracher à son cauchemar. Mais elle aussi n’était qu’un objet, un outil utilisable pour parvenir à posséder celle que son corps quadrupède l’empêchait de posséder entièrement ; un objet sacrifiable… La peur de lui-même le dominait entièrement !... Il avait poussé Diane, l’abandonnant seule au monstre que ses propres contradictions avaient généré et avait fuit (une nouvelle fois) !
De retour dans le sanctuaire de la sorcière, le centaure avait constaté que le corps de celle-ci n’était plus qu’une coquille vide. Face à l’horreur de ce qu’il avait fait, il fut de nouveau envahi par la peur. Si Vétéran apprenait cela ?... Diane était son amie, sa conseillère… Si Faucon avait vent de sa lâcheté ?
Il devait tout effacer !
Il concentra les flux de mana et par le biais de Ruzlekin, transforma celle qui fut la plus puissante sorcière de Satowa en homoncule.
Il devait tout effacer !
En prenant mille précautions, il jugula quelques capillaires sanguins dans son cerveau afin d’isoler ses souvenirs. Personne ne saurait jamais ce qui était arrivé même s’il avait laissé derrière lui ses désirs les plus voraces.

Autour de lui, ses amies laissaient s’exprimer leurs êtres les plus intimes…

Incapable d’en supporter davantage, pris de folie face au cataclysme de sa propre monstruosité, il se mit à courir aussi vite qu’il le pouvait ! Fuir ! Fuir ! Fuir ! Pour ne pas devoir se regarder plus longtemps encore !...

Comme dans un rêve qui bascule sans qu'on puisse définir exactement à quel moment, la magie avait commencé à faire son office. Chacun, par devers soi, revivait ses plus noirs secrets. Faucon ne s'était pas imaginée à ça. A quoi alors? Peut être à ce qu'une carte retournée montre chacun d'eux du doigt, appuyant là où ça fait mal afin que tous se dévoilent consciemment aux autres... Mais ils n'en fut rien, et l'elfe se senti submergée par le flot de ses propres souvenirs, mélés aux échos de ceux de ses compagnons présents. C'était une douche froide et violente. Sa main tremblante se crispa sur son genou.

Elle se vit revenir du Royaume d'Achaia, le regard fuyant et hanté, se demandant qu'elle fichu force avait bien pu la pousser à y aller. Puis il n'y eut plus que l'excès.
Exaltation
Beuveries.
Drogues.
Envie de meurtre

Plus ce goût du sang rejaillissait, plus elle l'avait bridé, augmentant de manière inconsciente ses doses, passant d'un simple basique relaxant, à un poison la dévorant peu à peu. Plus elle en prenait, plus elle semblait joyeuse. Faucon s'intégrait de mieux en mieux en étant de moins en moins elle-même. A ces instants de béatitudes, succédaient d'autres de profonde mélancolie qu'elle engouffrait sous les litres de bouffones ingérées sans raison. Des images virevoltèrent sous ses yeux. Les doses, 1 puis 2 puis 3... aujourd'hui 5 qui ne la calmaient qu'au prix de la perte de tout instinct... Pour 7 doses sa vie serait le prix du calme.

Les soirées de rires et de beuveries avec les membres du clan parmi lesquels elle se sentait alors si bien... Pourquoi s'inquiéter du vide qu'elle créait en elle alors que tout autour des gens étaient là pour lui sourire? Pourquoi ne s'était elle pas alarmée plus tôt? La réponse la frappa brutalement. Parce qu'elle était acceptée ainsi. Plus totalement elle même, mais pas vraiment une autre, on ne rejetait pas sa présence.

Elle passa de la vision d'une nuit de fête à Satowa, à l'une de celle, des années avant, parmit les 'siens'. Même sang, même ascendance, même destin. Pourtant elle avait un statut qui aurait dû la rendre intouchable. Mais il n'y avait que mépris. Avant la mort de son frêre, haine et rejet. Par la suite, mépris cruel teinté de crainte irrespectueuse. Jamais on ne lui avait sourit avant.

Avant.

Depuis que ses envies de faire couler le sang étaient revenues plus forte que jamais, elle n'était plus qu'une ombre. Plus brillante et sociable que dans son état normal. Mais une ombre tolérée et même appréciée. Valait il mieux être entière et haïe pour quelque chose qu'elle était mais n'avait jamais choisit d'être, ou qu'une scorie d'elle-même, mais aceptée, et heureuse tant qu'elle ne fermait pas les yeux?

Ses yeux la brûlait. Du sang en coula lentement alors que sa main secouée de soubresauts incontrolables s'enfonçait dans la chair de son genou.

Elle se vit boire, encore, et encore et encore le simple qui l'empêchait de redevenir ce qu'elle avait été. Une autre image se présenta à elle. Un elfe blessé enchaîné à ses pieds dans la cave de sa demeure alors qu'elle jouait négligemment avec un ensemble d'aiguille, les yeux fous.

Elle prit conscience alors plus nettement du fait que d'autres voyaient les mêmes choses... Elle combattit ce souvenir, refusant qu'il soit vu, que l'on sache ce qu'elle avait fait cette nuit là, et d'autres encore. Elle se rebiffa, se débattit contre tout ce qu'elle avait vu. Et eux savaient maintenant... Elle nia toutes ses conclusions en un refus stupide d'enfant effrayé par une ombre.

Elle entendit un raclement de chaise et tout se brouilla. L'effort du rejet l'avait vidé de ses forces. Elle retomba inconsciente, encore frappé par l'écho des démons de ses compagnons.

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